Les habitudes sont rassurantes. Telles le mug rempli d’un liquide excitant les veilles de mise à jour, elles accompagnent, réchauffent et réconfortent. Elles ont cependant le défaut d’éroder la surprise, la brillance de bien des choses. Certains s’en drapent, s’en prévalent. Mais tout un chacun ne peut qu’être déstabilisé dès lors que les choses ne se déroulent pas comme elles le font habituellement. Alors, à l’heure où il est possible de connaître la marque du slip de Michael Jackson sur sa dernière couche, le fait qu’un album de David Bowie ait pu être composé, enregistré, mixé pour qu’enfin un premier single soit révélé, nonchalamment, le jour du 66ème anniversaire de sa majesté Jones a pu en faire chuter plus d’un de sa chaise.

Les mécanismes de défense ont cependant la vie dure. D’accord, le roi n’était pas mort, longue vive au roi, mais s’agissait-il réellement d’un album ou plus d’une mise en scène de son auteur, sans doute à des fins mercantiles ? “Where are we now ?”, en sus de poser une question clin d’oeil, ne révélait au final pas grand chose. Très berlinois tant au plan musical que visuel, il constituait cependant un excellent teaser. Mais à présent, et après un autre single, “The Stars (are out tonight)”, il est possible d’écouter The Next Day en ligne dans l’attente de la sortie physique.

Encore une fois pour cet album, le choix du single est des plus opportuns. Le clip de “The Stars (are out tonight) y voit David Bowie, à moins que ce ne soit John Blaylock des Prédateurs, ou encore Ziggy Stardust, ou bien le Thin White Duke mis en face de ses avatars passés. Et là, le doute n’est plus permis, mais l’était-il réellement : le concept de l’album est Bowie lui-même. Son retour a été savamment planifié, les rumeurs diverses ont alimenté la légende, et il ne restait plus qu’à emporter le prix.

Une réelle surprise ? Pas vraiment, en ces temps de juteux come-back d’anciennes gloires. Une heureuse nouvelle ? Assurément. La plus grande force de David Bowie a été de sentir les tendances, les goûts avec ce temps d’avance qui permet de paraître en précurseur alors que bien d’autres ont déjà creusé le sillon, le tout en digérant les codes et en se les appropriant. C’est sans doute ce talent qui s’était effiloché à la fin des années 1990, quoi que cela soit sujet à discussion. Et c’est indéniablement cette aptitude qui éclate le plus avec ce nouvel album. L’époque est à Bowie, cette icône élégante, mystérieuse, vénérable sans être poussiéreuse. C’est donc tout naturellement que le britannique aux yeux vairons reparaît, avec son sourire malicieux et sa fine silhouette. Ainsi qu’avec des titres qui tiennent la route, ainsi que la comparaison avec ses succès passés.

Indubitablement, il sera question de comparaison au cours de l’écoute. Rien n’est révolutionnaire, mais puisque Bowie lui-même est la matière, cela n’est guère étonnant. Alors autant utiliser au lieu de ‘comparaison’ la notion de ‘référence’. L’heure passée en compagnie de l’artiste renferme la même excitation qui fait s’user les ongles sur l’emballage d’un disque longtemps attendu. Elle peut même renvoyer à ces fractions de seconde qui précèdent un premier baiser.

Et vu que David Bowie est de ceux à qui on pourrait tout pardonner pour un sourire, même d’avoir du souiller son PC avec Itunes, il convient de renvoyer les grincheux à leur grotte humide et forcément poisseuse. ‘Haters gonna hate’ ainsi que le proclame la sagesse 2.0. S’il est possible de reconnaître que The Next Day n’est pas exempt de défaut au regard de certains titres légèrement en retrait, tels que le morceau éponyme ouvrant l’album et qui se révèle plutôt terne, sa qualité est indéniable. Et s’il ne traversera peut-être pas les âges à l’image de ses glorieux prédécesseurs, il laissera à tout le moins une empreinte certaine.

1. The Next Day
2. Dirty Boys
3. The Stars (Are Out Tonight)
4. Love Is Lost
5. Where Are We Now?
6. Valentine’s Day
7. If You Can See Me
8. I’d Rather Be High
9. Boss of Me
10. Dancing out In Space
11. How Does The Grass Grow?
12. (You Will) Set the World On Fire
13. You Feel So Lonely You Could Die
14. Heat

Site : http://www.davidbowie.com/