Dernières mises à jour
Interview Nicolas Didier Barriac

Les Immortels s’entretiennent aujourd’hui avec quelqu’un de très particulier pour eux. Nicolas Didier Barriac a en effet fondé Métal Immortel, qui a ensuite donné naissance au présent blog par la grâce de Daphné. Pour commencer cet entretien avec le grand-père spirituel, une question s’impose :

« Papy, je peux lécher la casserole ? »

1. Vers la musique

Bon, plus sérieusement, si la musique est un cri qui vient de l’intérieur (et on y reviendra), c’est avant tout un cheminement et un apprentissage. Alors, Nicolas, premier souvenir musical ?

On pourrait remonter très loin (les comptines, les génériques de dessins animés, etc.) mais le vrai déclencheur doit se situer entre “Nothing Else Matters” de Metallica et le “Knockin’ On Heaven’s Door” de Guns n’ Roses. Je découvrais une tonne de clips vers 10-11 ans sur MTV et ensuite MCM. Et puis, j’ai acheté des CD sur la base de ces ballades jouées par des chevelus intrigants. Lorsque j’ai découvert que le reste des albums n’avait rien à voir musicalement parlant, j’étais face à un choix : laisser tomber ou persévérer. Devine ce que j’ai choisi !

Et pour poursuivre dans la série des premières fois (rien de trop personnel, rassure-toi) : premier achat musical (vinyle, cassette ou cd d’ailleurs), premier concert ?

Il y a eu quelques cassettes d’enfance dont je préfère taire les références… Mais le premier CD, c’était le black album de Metallica un an après sa sortie environ. Le premier concert n’est venu que bien plus tard. En 2000, je crois et c’était une belle affiche de power metal : Sonata Arctica, Rhapsody (pas encore of Fire) et Stratovarius à Lyon.

Et par la suite, comment a évolué ta « consommation » musicale ? Étais-tu du type boulimique ou gourmet ?

Gourmet dans un premier temps faute de « moyens ». Je découvrais les albums et les groupes en étant attiré par les pochettes car il n’y a pas vraiment dans mes amis ou mon entourage de personnes pour me guider. Après, par le biais des Immortels, des masses ahurissantes de disques s’amoncelaient constamment dans ma boite aux lettres. Le temps des gourmets était fini… Mais c’est aussi là que j’ai découvert des styles vers lesquels je ne serai pas allé naturellement.

2. Vers le métal qui ne meurt jamais

Au gré de sa passion, l’oreille s’affine et les goûts s’affirment. Mais comment passe t-on de la position de simple amateur à celle de celui qui tient absolument à donner son avis ?

Car la possibilité était offerte ! Juste avant les Immortels, je publiais des avis sur les disques que j’achetais sur ciao.fr et puis au bout de quelques mois je me suis dit qu’il valait mieux le faire à mon propre compte. Avec un compère rencontré sur ciao.fr, on s’est lancé et la sauce a rapidement pris malgré un design des plus hasardeux. L’équipe s’est étoffée sans que je m’en rende compte et la palette des musiques chroniquées s’est diversifiée pour couvrir le rock, le metal, l’électro, la pop, le prog…

Les meilleures choses ont malheureusement une fin, à ce qui se dit. À quoi as-tu senti que cette aventure était terminée pour toi ?

L’aventure a tout de même duré 7 ans ! J’étais un peu exténué par ce site et je n’arrivais plus à faire grand-chose d’autre de mon temps libre. Pendant les derniers mois, je cumulais le site, plus le début de mes piges dans deux magazines. J’ai fait une overdose, donc j’ai préféré couper le cordon avec le site.

malakas_2ok

3. Vers le succès, l’argent, la drogue et la dépravation

Ton activité professionnelle s’est, de manière assez logique, orientée vers le journalisme musical. Était-ce là un plan démoniaque longuement mûri et préparé au moyen de choses aussi insignifiantes que des études en ce sens ou cette orientation est-elle le fruit de ton expérience immortelle ?

À 100% liée aux Immortels. Ma formation n’a rien à voir avec le journalisme puisque j’ai fait une école de commerce. Je n’ai jamais cherché à aller vers la presse écrite : ce sont les mags qui sont venus vers moi (les deux premiers à quelques jours d’intervalle, en plus). Je ne connaissais presque personne dans le milieu : ce sont juste des gens qui appréciaient les interviews et les chroniques des Immortels.

Quelle est au final pour toi la différence entre le travail de webzine et le journalisme musical professionnel (en sus des quelques brouzoufs gagnés dans l’aventure, cela va de soi) ?

La responsabilité endossée. Avec un webzine, tu fais tout : la promo, l’écriture, le technique, la ligne éditoriale, etc. En tant que pigiste, tu ne fais « que » les articles. Le revers de la médaille est que tu te retrouves fréquemment à écrire des articles sur des groupes ou des artistes que tu aurais écartés de ton webzine… À mon avis, l’idéal est de pouvoir écrire dans un support professionnel tout en ayant un blog d’expression libre à côté.

Si ton activité au sein de différents magazines est pour l’instant loin d’être terminée (à moins bien sûr que tu nous annonces en exclusivité que tu pars élever des chèvres dans le Larzac), elle se double depuis mars de celle d’auteur de romans. Malakas est-il ta première œuvre ou as-tu déjà écrit autre chose sans pour autant chercher à les faire publier ?

C’est la première. Mais je suis dessus depuis un paquet de temps ! Les premières lignes ont été écrites il y a quatre – cinq ans. Et puis je suis resté bloqué une bonne année et demie avant de pouvoir réécrire très lentement quelques pages. Mais fin 2011, j’ai réussi à retravailler mes brouillons convenablement et à apporter la profondeur que je recherchais à l’histoire. Des premières versions, rien ne subsiste mises à part quelques paragraphes dans les 3 premiers chapitres.

Quel a été le déclencheur pour l’écriture de Malakas ? Un voyage cauchemardesque en Grèce ? Ou une chanson ?

Corfou. J’ai effectivement voyagé là-bas pendant quelques semaines et lors de ce séjour tout revêtait une dimension littéraire presque cinématographique : des situations cocasses, des personnages irréels et une tension dramatique spectaculaire avec les feux de forêts qui ravageaient le pays. Après, Malakas… reste un roman, donc tout est changé, adapté, fantasmé.

La musique est consubstantielle du roman, sans pour autant en être une composante essentielle, du moins en apparence. L’écriture s’est-elle déroulée en musique, et si oui, quels morceaux ont eu tes faveurs durant l’exercice ?

Tout à fait. J’écrivais rarement sans musique. Et au bout de quelques semaines de travail, j’ai trouvé des disques dont l’ambiance musicale correspondait exactement à ce que je voulais retranscrire dans la narration. L’éponyme de Bon Iver, The Acoustic Verses et Light of Day Day Of Darkness de Green Carnation, à peu près tout Marillion, High Violet et Boxer de The National ainsi que Helplessness Blues de Fleet Foxes. Quasiment que des albums doucement mélancoliques…

Je trouve ta prose très précise, soignée, riche en épithètes. Il est donc facile de faire le lien avec la musique progressive, rock ou métal. Suis-je totalement à côté de la plaque ou cela évoque-t-il quelque chose chez toi ?

Tu es pile poil sur l’effet que je recherchais. La musique est le personnage latent de Malakas… et à ce titre j’ai essayé d’adopter également une écriture musicale. Le narrateur est quelqu’un de très cérébral qui analyse tout trop en détails : ses réflexions étaient parfaites pour dérouler cette musique de mots.

À propos de Louis, sans vouloir t’offenser d’une quelconque manière, je l’ai ressenti plus comme un vecteur que comme un acteur. Les premier et dernier chapitre m’ont semblé très personnels mais confèrent ainsi au héros une position de réceptacle permettant au lecteur de se projeter. Dans le corps du roman, j’ai trouvé qu’il était souvent éclipsé par les autres personnages, aux personnalités bien plus trempées. Est-ce ainsi que tu as envisagé ton narrateur et héros ?

Encore une fois, tu fais preuve d’une belle analyse. C’est exactement ça. Comme pour mon inspiration sur la Grèce, Louis est une version alternative de moi, une version molle, incapable de réagir face aux événements qu’il traverse. C’est le genre de types qu’on pourrait secouer sans qu’il cligne de l’œil. Seuls le début et la fin du livre mettent Louis dans une position différente. Après, il faut dire qu’il a le chic pour tomber sur des personnages dominants qui l’effacent encore plus par leur extravagance.

Parmi les personnages secondaires, Jonathan et son groupe, Bad Motor Oil, occupent une place toute particulière. On se prend en effet de sympathie pour ce pauvre hère, musicien raté mais déterminé, qui croît à raison dans sa bonne étoile. Au gré des descriptions, je l’ai imaginé comme un Nick Cave période Grinderman qui aurait mangé Frédéric Beigbeder et Julien Doré. Suis-je loin de ton idée ? Et niveau musical, de quoi pourrait-on rapprocher la musique de la formation ?

Là encore, c’est quasiment ça. Physiquement, tu y es même si pour moi il est un peu plus « sale » à la façon d’un Zakk Wylde. Musicalement, leur musique serait le genre de truc que j’aimerais tellement entendre, un mélange détonnant de Nick Cave and The Bad Seeds, Slipknot, Led Zeppelin, Black Label Society, Yes, The Mars Volta et Clutch. Il y a un créneau à prendre ! Que font les maisons de disques ?

D’ailleurs, en parlant dudit Frédéric, comment vont les ventes ? Va t-on te retrouver dans les pages people en train de festoyer en sa compagnie ?

Les ventes sont assez discrètes pour le moment mais les retours, en particulier des lecteurs sur Amazon, sont presque unanimement positifs. Cela me rappelle le début des Immortels où le boulot était de qualité mais les visiteurs pas encore au rendez-vous. Il faut dire que l’auto édition, que j’ai choisie de manière délibérée, ressemble beaucoup à la création d’un webzine. Là encore, il faut faire bouger les choses soi-même. C’est excitant.

4. Vers l’infini et au-delà

Parlons d’avenir. À quand un petit frère ou une petite sœur pour Malakas ?

Pas pour tout de suite. J’ai déjà l’idée en tête mais il me faudra du temps pour l’exécuter. En revanche, d’autres écrits vont voir le jour très vite car j’ai préparé quelques nouvelles. C’est un genre trop délaissé en France et qui à mon sens s’accorde très bien avec la lecture sur tablette qui s’impose de plus en plus.

D’ailleurs, imaginons qu’un grand studio de cinéma te propose d’adapter Malakas au grand écran, ce qui te promet une vie de débauche (encore plus que maintenant). La production, dans un moment de folie, te laisse le choix des acteurs. Qui choisis-tu (oui, même pour Théodora) ?

D’abord, les grands studios seraient bien bêtes de passer à côté de ce livre, pain béni pour un bon scénario (rires). Comme on va faire les choses en grand, pour Louis, je verrai très bien Robert Pattinson qui a naturellement l’effacement du personnage. Pour Lena, il faudrait prendre une inconnue dont la performance crèverait l’écran et serait récompensée par un Oscar. Artémis, c’est Mila Kunis en blonde. Theodora, il faudrait trouver une actrice grecque pour maîtriser l’accent. Laetitia, c’est Vanessa Hudgens, Delphine, Emma Stone, et Jonathan, Ryan Gosling métamorphosé pour l’occasion. En guest star les débuts à l’écran de Nikos dans le rôle de Jaser. Et derrière la caméra, Alexander Payne. Au moins là, les chansons de Bad Motor Oil prendraient vie !

Si tu ne pouvais conserver qu’une seule de tes activités professionnelles, laquelle serait-ce ?

L’écriture de livres car on peut tout réaliser : roman, essai, compilation de billets sur la musique, etc. J’ai l’impression que c’est le début d’une longue série !

On reste chez les Immortels, on va donc finir en musique. Quel est ton meilleur souvenir de concert ? Et quel album t’a occasionné ta plus grande claque musicale ?

The Flaming Lips, le seul concert parfait de bout en bout. Même le chant horriblement faux de Wayne Coyne est génial dans les conditions festives de leurs lives. Pour l’album, je vais être très consensuel mais je pense réellement que Pet Sounds des Beach Boys est la meilleure chose qui soit arrivée à la musique électrique.

Un peu de sadisme : si tu ne pouvais emporter qu’un seul album sur une île déserte, lequel serait-ce ? Et si tu étais condamné à ne pouvoir écouter qu’une seule chanson, laquelle supporterais-tu le plus longtemps ?

Un seul album nécessite de la variété. J’opterai sûrement pour Black Holes and Revelations de Muse, non pas que ce disque soit le meilleur de tous les temps mais simplement parce que chaque piste a sa propre identité. Une seule chanson ? “Race for the Prize” de The Flaming Lips, encore !

La musique est un cri qui vient de l’intérieur comme nous le disions en début d’entretien. Disons que quelqu’un t’a mis en rage mais que tu ne peux décemment pas hurler ou avoir recours à la violence. Quelle chanson te vient à l’esprit et te permet d’avoir un exutoire intérieur ?

La violence, je la prends à contrepied avec “Eat It” de Weird Al Yankovic. Assez marrant finalement quand on pense aux paroles de la chanson originale…

Sinon, pas trop bizarre de ne pas être celui qui pose les questions cette fois ?

Quand les questions sont bonnes et pertinentes, difficile de ne pas se sentir à l’aise !

C’est ton interview, tu as donc droit au mot de la fin. Et même, en tant que vénérable ancêtre, tu peux poser une question aux Immortels actuels.

Merci pour le soutien. J’ai réellement apprécié ton avis sur le livre. Ton analyse est intéressante et juste. Et que dire du site ? Vous avez à la fois hérité de l’esprit d’origine tout en ouvrant de nouvelles portes. Qu’est-ce que je peux souhaiter à l’équipe ?

[NdlR : de l'argent, des substances prohibées, des partenaire sexuel-le-s et surtout que le flot de musique de qualité qui arrive chaque jour dans notre boîte mail ne se tarisse pas, même s'il ne nous est pas possible de tout chroniquer]

Et merci surtout pour avoir lancé la machine au début de ce siècle.

Merci à toi de l’avoir rendue réellement immortelle ! [NdlR : il faut surtout remercier Daphné pour cela !]

Site internet de l’auteur : http://www.nicolasdidierbarriac.com/

Malakas… sur Amazon : http://www.amazon.fr/Malakas-Nicolas-Didier-Barriac/dp/295447341X



  1. Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?