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The Knife – Shaking the Habitual (2013 – Rabid Records/Pias)

Après Silent Shout, il aura fallu attendre sept ans pour voir le due suédois The Knife ressortir un album électro d’un niveau exceptionnel. S’y retrouvent les thèmes clés de groupe : le jeu des masques et la recherche de l’identité. Ils sont déclinés de manière moins simpliste que les plaisanteries Daft Punk) et rappelle les ambitions de l’artiste plasticienne et musicienne anglaise Linder Sterling. Le jeu de masques n’est pas neuf : y eut un temps où Karin Dreijer avançait sous un masque en forme de long bec d’oiseau noir. Bien avant Lady Gaga, elle se recouvrit le visage de viande à la télé suédoise. Ce ne sont là que quelques avatars (parmi d’autres) anecdotiques – du moins en apparence. Plus sérieusement le duo après la création de son label Rabid, garde désormais le contrôle de sa musique : il peut développer tout le radicalisme qu’il souhaite.

Silent Shout explorait une électro très dark. Entre cet album et aujourd’hui il y eut une double escapade. Le groupe est allé explorer l’opéra avec Tomorrow in a Year inspiré par Darwin et réalisé avec Mt. Sims et Planningtorock. Cet œuvre ambitieuse, totalement expérimentale reste forcément d’un accueil confidentiel. Mais dans le même temps et en solo, Karen Dreijer a lancé un projet solo plus mainstreet mais néanmoins ambitieux. Ce Fever Ray glaçant et glacé a obtenu un succès aussi grand que celui des précédents albums de The Knife. Néanmoins, au lieu de casser le duo, cette réussite a concouru à rendre plus fort, plus compétitif.

Dans Shaking the Habitual se retrouve la quête de sons et de voix énigmatiques. La chanteuse américaine queer Light Asylum prête d’ailleurs sa voix puissante sur l’un des titres. Mais la forme expérimentale n’est pas comme trop souvent gratuite. Elle reste le fruit d’une imprégnation philosophique et politique à caractère féministe et transgenre. La musique sert dans cette ambition plus un vecteur plus qu’un simple outil. En quelque sorte le duo prouve que le discours peut passer autant par les sons que par les mots. Le groupe – à l’image des Slits naguère – invente un langage identifiable parmi tous mais impossible à reproduire à l’identique.

Jamais dénuée de sens, résolument anti-décorative cette musique – contrairement à une majorité des opus électro – est moins abstractive qu’organique. Enregistré entre Stockholm et Berlin, l’opus développe de longues narrations aux scansions crues et politiques sous effet d’ectasy. La quintessence s’innerve d’une chair. Sans doute est-elle mutante. Le tonnerre venu des profondeurs de l’être gronde pendant plus d’une heure et demie. C’est aussi envoûtant que décapant.

Ajoutons que la déclinaison optique de l’album n’est pas traitée de manière secondaire. L’artwork (avec B.D .) est dû à Liv Strömquist, auteure de comic queer suédoise. Quant au premier clip de l’album ( pour le titre « Full of Fire ») il a été mis en scène par la réalisatrice de porno queer suédoise Ostberg. Un long travelling devient la métaphore pratique d’une déambulation dans les rues de Stockolm. S’y rencontrent des jeunes, des vieux, des manifestants ou encore des motardes SM en plein bondage à ciel ouvert. Tout l’univers The Knife y est donc concentré.

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  1. Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?