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Festival des Cultures du Monde Gannat

Se fader le circuit Solidays/Jazz à Vienne/Interceltique/Rock en Seine/Jazz in Marciac/Vieilles Charrues/Hellfest et retour, tous les ans, ça commence à devenir lassant. Foule, attente, toilettes bouchées, Christophe Maé, viande saoûle, Matthieu Chedid, frites hors de prix, les festivals c’est parfois la meilleure arme contre la chute des ventes de Cds, tellement ils arrivent à vous faire regretter votre chaîne hi-fi, et le temps béni où vous étiez peinard au lieu de vous faire piétiner par huit connards pleins de bière à 4 euros le demi qui pogotent devant une scène secondaire merdique posée sur deux tréteaux au milieu de ce qui fut un champ de patates. Parce que crâner dans l’open space de votre boulot en racontant que « Ouaye, tu vois, c’était trop trop craaazy parce que l’ambiance là-bas, elle est mais carrément chanmé, tu feeles vraiment ce qui se passe* », ça a un prix. Donc, vous allez me maudire, puisque je vais encore ajouter un festival à votre liste, et une étape à votre chemin de croix. Le festival de Gannat. Auvergne. Musiques du monde. Boboland, donc, a priori.

Première remarque impérative : c’est certes un festival de musique du monde, et de musique traditionnelle, mais pas exactement « world music youkaïdi » si on sait s’y prendre. Pas exactement comme ces ignobles festivals de théâtreux, avec leurs cohortes de bobos, babas et blaireaux, où on fume du cresson biologique en cachette et on achète des huiles essentielles de fenouil bleu au doux son d’une soupe musicale tellement cooool et dégoulinante de bons sentiments que Joan Baez en truciderait des tibétains. Amis babs, croyez-le ou non, mais même un djembé, même un didjeridoo, ça s’accorde. Et jouer juste ne fait pas de vous un esclave du capitalisme.
Ce n’est pas non plus comme les festivals de musique folklolol-qué-s’appélério-Quézac, où des bigouden basques, des provençaux ex-normands rapatriés sur Compiègne ou des gens qui ont trop de temps devant eux exécutent avec brio des danses traditionnelles dont on comprend tout de suite pourquoi elles ont été oubliées, et beaucoup moins vite pourquoi on a décidé de les ressusciter dans leur troublante beauté originelle.

Non, à Gannat, y’a moyen de moyenner et de voir des choses qu’on ne voit vraiment nulle par ailleurs. Il suffit de venir juste pour la soirée sous chapiteau, et de repartir après. En fait, c’est le premier festival qui se négocie comme une sortie au ciné ou au concert. En one shot. Fuyez le village des artisans, les scènes secondaires, et allez droit au but. Il faut être de passage dans le coin, évidemment, mais crâner au boulot a un prix, on vous a dit.

Donc, les concerts du soir. Et là, surprise. Gannat, c’est un peu au rayon world music de la FNAC ce que l’intégrale de Kant en version originale est à Tintin en Amérique. C’est pas Alan Stivell, c’est les soeurs Goadec. C’est du brut, du lourd, du pas trafiqué qui pique la gorge. Ca transforme le public en une nuée de petits Claude Levi-Strauss sur leurs chaises en plastique.
L’autrice de ces lignes conserve un souvenir aigü d’une veillée mongole reconstituée, par exemple. C’était l’année dernière. Avec les yourtes sous chapiteau, sur scène. Une demi-heure avec des mongols qui parlent entre eux en mongol et font bouillir de l’eau, puis vingt minutes de pur chant qui sent le yak (vous savez, en diphonique ? Un gars qui imite à s’y méprendre la guitare électrique et la voix de Barry White. En même temps. En même fucking temps.), puis vingt minutes de blabla mongol autour du thé, puis re-chant.
Autre souvenir, un spectacle constitué d’une cérémonie religieuse exécutée par une tribu amazonienne qui n’avait qu’une idée imprécise de ce qu’était un public, un spectacle, voire même un européen. Assorti de la première interdiction de prendre des photos justifiée par le fait que les artistes ont peur que ça ne leur vole leur âme. Concert unique, à tous les sens du terme, de vingt minutes. Et l’impression d’avoir découvert huit tribus à soi tout seul.
Troisième spectacle : une démo de danse ivoirienne Mapouka. Allez voir ce que c’est, et imaginez ça pratiqué par quatre solides belles dames tout en chair et en muscles en collant moulant (pour les plus vêtues) pendant une heure dix, avec les mamies auvergnates qui quittent la salle indignées (ou jalouses ?). Les papis restaient, par contre.

Des petites surprises comme ça se cachent toujours au milieu de shows plus conventionnels – mais toujours un succès, c’est le festival Uncle Ben’s – qui se débrouillent toujours pour envoyer grave du pâté, d’une part, et garder un maximum d’authentique, d’autre part. Trente brésiliens multicolores ou trois mongols autour d’un feu, danses indiennes avec costumes que tellement ils sont beaux tu les mets tu parles hindi ou aborigène qui se prend l’étui pénien dans le fil du micro**, on retombe toujours sur ses pattes. Même avec les bigouden, ce qui est un exploit en soi.
C’est une chance sur deux en fait, entre ceux qui savent ce que les festivaliers attendent et qui assurent bien le show, et ceux qui sont tellement authentiques que le concept de show leur est étranger.

Terminons sur un voeu : qu’un jour, un seul, un spectacle de Gannat devienne trop authentique. Disons Kalima Choptideh, the musical live. Une secte noire indéfinie sacrifie une chèvre en direct live, les incantations millénaires sont prononcées et la voix de stentor du chaman monte dans le ciel d’Auvergne, telle la fumée majestueuse d’un volcan rond et vert subitement réveillé, alors que le couteau long s’enfonce dans la gorge de l’animal jusqu’à son long manche d’ivoire ouvragé. Et soudain, le miracle : dans un éclair aveuglant, une terrible malédiction s’abat sur les terres de France qu’elle n’aurait jamais dû accabler sans que le sort cruel ne se joue de la fragile magie des hommes. Le destin a parlé : dorénavant, tous les joueurs de djembé de France verront leurs mains tomber en pourriture, molles et inutiles comme leurs putains de complaintes sur la guerre et le racisme.

*enfin vous dites ça si vous êtes pubard. Ou commercial. Ou artiste. Ou parisien. Ou les quatre.
**bon ok, celui là je l’ai inventé, j’ai loupé les aborigènes.
Festival Les Cultures du Monde. 21 au 31 Juillet 2011. 38ème festival à Gannat en Auvergne.
http://www.gannat.com/



  1. pascal on Jeudi 30, 2011

    Bonjour
    Félicitations pour ce que vous faites pour le rayonnement des richesses culturelles endogènes africaines. Nous sommes au Bénin et nous résidons à Djougou dans le Nord. Plus qu’un commentaire, nous voudrions vous proposer un artiste griot du nom de Abdul Kafarou pour votre prochain festival. Et si vous voulez donnez nous un lien ou on peut vous envoyer quelques images.
    Merci de votre compréhension
    Pascal