L’Electro expliquée aux métalleux, seconde partie : les genres (1/3)

KoRn : "Grâce à Daphné, on a découvert que l'électro c'était bien, et on a décidé de faire un disque avec des DJ."

Frère/sœur de Métal, tu sais maintenant presque tout de la création de la musique électronique grâce à cet article explicatif. C’est bien, tu es plus cultivé(e) et la chose est plus concrète, mais pour toi, c’est encore tout pareil et par conséquent, tu ne sais pas encore faire la différence entre la Techno, la House ou la Dance, et les termes EBM, dubstep ou encore downtempo te sont totalement opaques. Ne t’en fais pas : tu vas tout savoir.

KoRn : "Grâce à Daphné, on a découvert que l'électro c'était bien, et on a décidé de faire un disque avec des DJ."

KoRn : "Grâce à Daphné, on a découvert que l'électro c'était bien, et on a décidé de faire un disque avec des DJ."

Il existe autant de genres en Electro qu’il en existe en Métal, et comme dans le Métal, la palette est large – du plus simple d’accès au complètement inaudible ; il existe tout autant de sous-genres mais aussi de mouvances (avec leurs subtiles différences). Il ne sera pas utile de tout détailler, parce que la lecture deviendrait vite rébarbative ; le but étant de tracer les traits les plus importants du visage électronique afin qu’il soit net sans non plus forcer dans la précision tatillonne.

Les genres seront présentés par ordre chronologique d’émergence. Aussi, les premiers styles abordés ayant une histoire plus longue et mouvementée et surtout une influence très importante dans l’évolution du genre tout entier, auront l’honneur de se voir plus largement développés. Enfin, il est à noter que les genres les plus « underground » sont parfois également les plus intéressants. Exactement comme en Métal où les formations les plus populaires ne sont pas forcément les plus appréciables ou respectables.

1. La Synthpop : la base

Tout le monde en a entendu parler, c’est évident. Elles sont les années 80. Dans les années 70, le synthétiseur – le minimoog surtout – devient très populaire et fréquent dans les formations Rock (Yes, Genesis, Emerson Lake and Palmer, Kraftwerk…). Avec les progrès technologiques, les synthétiseurs prennent les formes des instruments qu’ils imitent : batterie, guitare, basse en plus de clavier. Ainsi se créent de nombreux groupes de Pop  utilisant presque exclusivement des instruments synthétiques : c’est la SynthPop. Les plus célèbres sont Depeche Mode, New Order, Visage… Selon les orientations données aux compositions, on obtiendra de la new Wave, voire de la Darkwave (The Cure, Cocteau Twins par exemple). Toutefois, la SynthPop n’a d’électronique que son application et son son synthétique : on a toujours des groupes, avec des musiciens, et les chansons utilisent les mêmes structures que la Pop acoustique (textes, chant, schéma « couplet, refrain, pont, refrain », mélodies, durée de trois minutes environ). Elle existe toujours aujourd’hui, sous l’appellation New Eighties, et l’on peut citer Calvin Harris ou en encore Hot Chip comme exemples.

Alphaville – « Big in Japan » – 1984

Talk Talk – « Today » – 1982

Hot Chip – « Ready for the floor » – 2008


2. Downtempo, Electronica, Lounge, Ambient, New Age : l’expérimentation

Le premier véritable album d’Electro, on l’a dit dans la partie « Historique », a été Radioactivity des Kraftwerk en 1975. Le groupe a voulu faire ressortir l’aspect « Robot » et futuriste (aujourd’hui kitsch) que représentait le progrès électronique. Il pose ainsi quelques bases du genre electro : instrumentation dépouillée, rythme répétitif,  et arrangements minimalistes qui sont aujourd’hui toujours le fondement du genre. A ceci près que les Kraftwerk œuvraient dans l’atmosphérique, lent et planant, préférant l’ambiance à la danse. Aujourd’hui, ce style lent, pas dansant, s’appelle par les quatre noms ci-dessus, avec de légères nuances :
– L’Electronica est la plus proche de la Pop. Mélodies faciles à identifier et à retenir, tempo calme, jolis arrangements : c’est un peu moins catchy et rebelle que la SynthPop. Plus que Kraftwerk, le pionnier dans ce style est sans conteste Jean-Michel Jarre. Plus modernes, viennent Air ou encore Moby.

Chemical Brothers – « Let Forever Be » – 2003

– la Downtempo est la plus proche de la New Wave avec son rythme encore plus posé – comme son nom le laisse deviner, on dépasse rarement les 90 bpm (battements par minute) – son chant et ses ambiances travaillées, plus sombres que l’Electronica. Parmi les plus célèbres représentants, on citera Zero 7 ou plus récemment Wax Tailor. En fait, c’est très proche du Trip Hop (Portishead) à la différence que le Trip Hop, c’est fait avec des vrais instruments.

Zero 7 – « Destiny » – 2001

Wax Tailor – « Our Dance » – 2004

– La Lounge, style plus récent, est un cran en-dessous au niveau des compositions. On a beaucoup moins de chant (quelques mots, au plus) le son est plus jazzy, et le tempo légèrement plus rapide et plus répétitif – toutefois pas assez pour devenir dansant. La Lounge revêt souvent une image sensuelle : parfaite en fond sonore d’un endroit aux prétentions d’élégance, d’ailleurs de nombreux restaurants ou bars ne s’y trompent pas. En deux mots, de la musique de salon, « lounge » en anglais, mais en version électronique. Le métalleux connaît Richard Cheese qui reprend avec son piano des standards du Métal pour les faire sonner « musique de croisière pour vieux » ; la Lounge électro, c’est un peu cet esprit-là, mais pour les djeuns. Célèbres sont Gotan Project ou Saint-Germain.

Nightmares on Wax – « Les Nuits » – 1999

– L’Ambiant atteint un niveau de minimalisme élevé. Il s’agit la plupart du temps de vagues sonores très discrètes, aux mélodies simples (parfois inexistantes) et aux arrangements discrets : parfois du « bruit de fond », peu agressif, peu musical, parfois à portée très profonde et aux harmonies proches d’un morceau de classique. En Métal, ça se rapprocherait plutôt du Drone. De nombreuses bandes originales de film composées au synthétiseur peuvent être considérées comme de l’Ambient – John Carpenter en est un bon exemple.

– La New Age, c’est entre la Lounge et la Downtempo, auxquelles on ajoute de lourdes influences psychédéliques, médiévales, gothiques, classiques ou folkloriques. Vous connaissez tous Enigma, ou encore Era. Ben voilà.

3. La House : l’explosion

La House, c’est le genre mère de l’Electro telle qu’on la nomme aujourd’hui. On est dans les années 80 aux USA. Le disco bat son plein, utilise des instruments électroniques (synthés, batterie) et dans les cités, le malaise jeune s’exprime de façon hachée sur un rythme lourd, sur lequel on tape plus que l’on ne danse : le Hip hop. Des DJ qui officient dans la morne et froide ville de Chicago ont l’idée de mélanger ces éléments. De remixer les tubes disco – qu’ils passent en vinyles – en scratchant dessus. De monter le volume des beats et des basses pour faire comme le Hip Hop et se moderniser, parler aux jeunes. En 1982 Afrika Bambaataa décide d’ajouter en studio des sons disco réalisés avec un synthé, un beat plus gonflé créé par un séquenceur et du Rap sur « Trans Europe Express » des Kraftwerk, ce qui donnera naissance à « Planet Rock », l’un des premiers hits Hip Hop mais aussi, dans la démarche musicale, House, et par conséquent, Electro.

La House ressemble beaucoup au Disco par la présence de mélodies accrocheuses, de chant et d’un rythme dansant, cependant aliéné de sa « richesse » instrumentale (adieu cuivres, guitares, cordes) ; elle est donc plus synthétique, est appuyée par une batterie électronique répétitive (la boîte à rythmes) et ses lignes de basse sont surgonflées. Du disco, elle garde également le groove et le funky, le tempo moyen et les allusions sexy et sensuelles. Elle est assez proche de la Lounge ou de l’Electronica, à la différence que le beat est plus rapide, bien plus dansant.

Un des premiers morceaux House, qui compile tous les codes du style, sorti en 1985.

Un des plus grands tubes House, 1989.

En résumé, beaucoup de trucs de Kévins à T-shirt moulants. A ce jour, les sons sont un peu moins cheap et les arrangements plus modernes, mais la recette n’a pas vraiment changé. Les artistes House contemporains les plus connus sont Bob Sinclar, David Guetta, Eric Prydz, Tiga, auxquels vous avez peu de chance d’adhérer. Pour en avoir un échantillon, il suffit d’allumer FunRadio ou d’aller en boîte à La Grande Motte.
Toutefois, il existe une mouvance un peu plus susceptible de plaire au Métalleux : la Tech-House, moins bling-bling, plus travaillée et « cultivée » dont les excellents Layo & Bushwaka! sont les fers de lance.

Un sample élégant de Nina Simone pour ce titre.


4. La Techno : la seconde déflagration

On déménage à Détroit. Les rues là-bas, elles sont trop craignos, en plus il fait froid dehors : alors le Hip-Hop, musique des rues, ça peut pas marcher. Même le disco y est triste. La House de Chicago peine à s’imposer : trop « glitter » (= littéralement « scintiller » ; paillettes, quoi). Les DJ de Détroit, en particulier Juan Atkins de Cybotron, la reprennent mais la démaquillent, et rendent son tempo plus rapide, plus froid : plus « technologique », en fait. Pas forcément minimaliste, mais plus brut. Pour coller au décor.

Pour reprendre la recette de Juan Atkins, c’est un mélange de House donc, mais surtout de Donna Summer – « I Feel love » (pour la rapidité et la répétitivité) et de Kraftwerk (pour l’aspect robotique). Au début, les différences entre Techno et House ne sont pas évidentes, car les traits ne se sont encore pas appuyés. Un peu comme tous les bébés se ressemblent. En grandissant la Techno se dévêt des attributs mélodiques et des voix, ne conservant que le strict minimum, jusqu’à ne plus se concentrer que sur la rythmique, plus rapide et puissante que chez sa cousine. Adieu le groove, bonjour le paf paf paf. C’est comme quand on retirait au Heavy Metal son chant aigu, ses envolées lyriques et ses accessoires qui font joli pour se concentrer sur les riffs et le cru viril et bourrin, et qu’on obtenait Kill’em all. La Techno, c’est le Thrash de la House. Le premier titre pur jus serait Rhythim is Rhythim – « Strings of Life » : tout y est : une intro très longue (pour laisser le temps aux DJ de caler les disques entre eux), la boîte à rythme calée en 130bpm, aucun chant, peu de basse, aucune réelle mélodie, un rythme haché. Du kick, du kick, du kick.

Jeff Mills – « The Bells » – 1994

Laurent Garnier – « The Man with the red face » – 2000
(et un saxophoniste – auquel le titre fait référence – qui l’accompagne aussi en live)

5. L’EBM – Electronic Body Music : l’extrêmisation

Un mot compliqué que le métalleux appréciera. Le métal se thrashise, le punk devient hardcore ; il est naturel que l’Electro suive la parallèle. Quand d’autres la rendent dansante (voir ci-dessus) d’autres la rendent violente. Dans la continuité de Kraftwerk, certains groupes noircissent les ambiances, crament les sons, accélèrent un peu les rythmes – Cabaret Voltaire par exemple. L’Electro devient Indus – tu connais le terme. Mais pour Front 242 (puis son rejeton Cobalt 60), l’Indus c’est encore trop maniéré et intellectualisé. Ils décident de produire quelque chose de brut, de brutal, de corporel. L’EBM, c’est la version hardcore et répétitive de l’Indus : c’est un peu ce qu’est la Oï au Punk. Avec parfois, oui, des affinités pour des extrêmes, politiques comme sexuels (l’EBM est assez populaire dans les milieux néonazis ou encore homos cuir et moustache) mais pas toujours – hey, tous les groupes de Black Métal ne brûlent pas des églises. Chez les Immortels, nous sommes grands fans de Madame B et de son EBM, mais vous pouvez aussi jeter une oreille sur la compil Electro For Japan sortie cette année. Et bien sûr, nous te conseillons Front Line Assembly, où exerça un jeune musicien du nom de… Devin Townsend. Ça te cause ?

Front 242 – « Headhunter » 1988

Nitzer Ebb – « Murderous » 1987

Spetsnaz – « Grand Design » 2005

A suivre…

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A propos Daphné
Zone de terreur : Lyon. Spécialiste en rien, amatrice en tout, mais plus particulièrement en Rock Alternatif, et Electro bourrine. Rédactrice en chef. Blonde, aussi.

7 Commentaires le L’Electro expliquée aux métalleux, seconde partie : les genres (1/3)

  1. Salut ! Je me demande si tu vas évoquer des artistes du label Ninja tune ( Amon Tobin lorsqu’il y était, Bonobo, Mr Scruff etc…), Aphex Twin ou Prodigy; des artistes de la scène electro souvent appréciés par les amateurs de metal.
    ( Doctor Flake, ça marche tout autant, entre une myriade d’autres. )
    Belle initiative !

  2. Oui ce sera prévu bien sûr 🙂

  3. peitach // 9 février 2012 á 11:53 //

    je trouve ce post extrèmement réducteur.

  4. Killer Queen // 19 juin 2012 á 11:02 //

    Cher Peitach,
    Les affres de la synthèse…

  5. Super article très complet, il manque à mon goût toute la scène Big Beat mais j’imagine qu’il y a tellement de groupes qu’il est difficile de parler de toute le monde !

  6. plastichero // 14 mai 2015 á 18:24 //

    Bon article, bravo et bon courage! J’ai commencé à écouter de l’électro à 10 ans (j’en ai 29), à l’époque j’étais un peu seul autour de moi à écouter ça tandis que mes contemporains s’extasiaient devant I AM, faut dire que j’ai découvert ça tout seul comme un grand par un genre pas le plus accessible (bonzai techno).
    J’ai aimé le « kikoo lol moi c’est David Guetta et je suis à l’électro ce que Kyo est au métal. » dans ton article « L’Electro expliquée aux métalleux, première partie : l’Histoire » c’est tellement vrai, c’est dommage que ça/cette merde soit martelé dans toutes les radios même radio FG qui désormais est extrêmement main stream. David Guetta ça me fait penser à mon meilleur ami(le même qui écoute alizee grrrrr) qui prétend que c’est un dieu (il est aller 2 fois au concert du mec qui touche pas ses platines, allez on lève les bras en l’air youh!) et que tant de gens ne peuvent se tromper, du coup dans cette petite niche d’initiés on se sent un peu isolé (a part lors de festivals), du coup j’écoute de l’electro bien qd mes proches sont pas la avec le chat qui kiffe autant l’electro et le black metal (et oui l’un empêche pas l’autre).

    +1 si comme moi t’as un pote qui coupe le moindre de tes sons que tu mets en soirée (même si apparemment ça plait) car c’est trop hardcore (de la minimal lol). Le même pote qui revient 6 mois plus tard avec la même chanson une fois passée sur les ondes prétendant que lui aussi écoute un son de ouf et qu’il va t’éduquer… lol « je vais te faire roter du sang »

    Pour ma part, ça fait longtemps que j’ai arrêté d’essayer de classer( comme le génial LORN, inclassable et très productif, qui devrait plaire aux métalleux car ambiance obscure), de catégoriser l’électro qui est tellement vaste, avec pour chaque titre dix personnes qui ont 10 avis différents et finissent par s’engueuler (c’est drôle à voir). D’ailleurs je suis pas sur que tout vouloir classer soit bénéfique. Diviser plutôt qu’unir?!
    Perso, j’ecoute vraiment beaucoup de style différents selon la phase/ma période/l’ennuie encore hier soir je réecoutais et alternais ATB(nostalgie quand tu nous tiens), du vieux gigi d’agostino « l’amour toujours » avec du hardcore (noize suppressor, Angerfist),du popof et du jean jean michel jarre (merci papa maman!). Qq fois je découvre une pépite; celle que tu écoutes en boucle jusqu’à la détester; (comme gesaffelstein – Viol ou carte blanche – gare du nord shazamées devant un club échangiste SM alors que j’attendais un pote à ce point de RDV, rigole pas ca arrive à Paris) ou des artistes au début de carrière qui deviennent hyper connu genre overwerk ou l’excellent francais N’to (hungry music avec worakls et joachim pastor). Je ne prétends pas être un initié ou un élitiste bobo mais j’aime partagé qd on me le demande des trucs qui méritent d’être connus dans le miasme de l’électro FM.
    Cependant, jusqu’a present, pas une ligne sur la trance (avec l’ancien Tiesto le david Guetta de la trance), psy trance/goa, le dubstep, la minimale des genres un peu moins connu (la trance O_o come on, on peut pas passez à coté)…
    Bref, encore une fois bon courage pour ton gargantuesque projet et merci de participer au partage de la culture electro

    PS: petite pensée à mon pote DJ qui mix de la merde clubbin’ qu’il déteste, en boite à Ibiza car il est payé pour… $$$

  7. Merci pour l’encouragement !
    Effectivement, classer certains artistes relève de la mission impossible parfois, mais le but ici est initiatique donc, on simplifie et vulgarise à mort.
    Faudra que je le finisse un jour, oui…

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