Le Droit d’auteur – Introduction

Section 1 : Le droit d’auteur à travers l’histoire.

§1 : Prémices et Ancien droit.

Le droit romain a été le premier à opérer une distinction autour de la notion d’œuvre de l’esprit. Il a également été le premier à faire la distinction entre le support matériel et l’œuvre qui y est incorporée.1
Plus tard, à partir du Vème siècle le droit d’auteur est éclipsé par la notion de Dieu créateur. L’artiste n’est qu’un interprète de la volonté divine. Les artistes se considèrent alors comme des artisans. Certains poètes comme François Villon sont passés à la postérité. Mais ces gens n’ont jamais eu l’idée de revendiquer un droit d’exploitation privative sur leurs œuvres. On peut cependant relever quelques exceptions anecdotiques. En effet certains auteurs pensaient pouvoir se prémunir du plagiat par le fait d’assortir leurs œuvres de la malédiction suivante : « Je maldis trestot ceus ki pechent avec cil livre et ceus ki mal le copient, que la lepre les grieve ».

Au XVème siècle l’invention de l’imprimerie va faire surgir un véritable intérêt pour la question du droit d’auteur. Le passage de la copie manuscrite à la reproduction mécanique est une véritable révolution. La reconnaissance d’un monopole sur une œuvre de l’esprit est née avec ces techniques de reprographies. Vont alors apparaître les privilèges de librairies. Ces monopoles sont souvent accordés à l’éditeur. L’auteur, lui, bénéficie d’un mécanisme de rétribution.
Ce n’est qu’au XVIIème siècle que certains juristes comme Louis d’Héricourt ont plaidé pour que les auteurs puissent exploiter eux même leur droit.

Enfin le droit d’auteur est reconnu officiellement en 1777 sous la forme d’un privilège d’auteur. Pour les œuvres musicales les privilèges ont été confiés à l’académie royale de musique.

§2 Le droit intermédiaire et le droit moderne.

Les privilèges d’auteurs sont abolis durant la nuit du 4 Août 1789. Les auteurs ont perdu le droit d’être rémunérés sur l’utilisation de leurs œuvres. Dès 1790 une pétition est signée par 21 auteurs et est présentée devant l’Assemblée pour dénoncer cette injustice. Mirabeau propose un projet de loi pour restaurer les droits des auteurs, c’est la loi du 19 Janvier 1791. Elle consacre le droit de représentation au profit des auteurs d’art dramatique. Pour les autres, il faudra attendre 1793 et la loi des 19 et 24 Juillet consacrant un monopole d’exploitation sur la reproduction de leurs œuvres. Cela durant toute leur vie, et à leurs héritiers ou cessionnaires encore dix ans après leur mort.
On consacre ici pour la première fois l’idée d’un droit exclusif, qui soit conféré aux auteurs, et que ce dernier est temporaire.

Les lois révolutionnaires étaient bien construites et perdurèrent jusqu’en 1957. Entre temps elles ne furent l’objet que de légères modifications.
Beaucoup d’inventions (radio, télévision, photographie…) viennent alors faire sentir le besoin de modifier le droit d’auteur. Cela intervient avec la loi du 11 mars 1957 qui a aboutit à la création de la propriété littéraire et artistique. La loi du 3 juillet 1985 introduit ensuite, les droits voisins au profit des interprètes, des producteurs et des sociétés de communication audiovisuelles.

En 1992, est né le code de la propriété intellectuelle. Et depuis le droit de la propriété littéraire et artistique s’ouvre à l’Europe. La commission européenne souhaite atténuer les effets de la territorialité des droits d’auteurs. Elle envisage d’adopter des règles de conflit de loi, et propose la création d’un droit d’auteur communautaire. Ainsi qu’un code européen.
Aujourd’hui, le droit d’auteur est exposé aux conséquences de l’évolution technologique. La numérisation est probablement une révolution aussi grande que l’invention de l’imprimerie. Elle consiste à transcrire l’information en une série de nombres qui est ensuite interprétée par un dispositif informatique. Cela permet de multiplier des informations pratiquement à l’infini, et ainsi de repousser les limites de la rareté.

Section 2 : Objet et nature du droit d’auteur.

§1 : Objet.

La propriété littéraire et artistique ne s’applique pas aux idées. On considère qu’une idée est de « libre parcours ». Seule la création, la concrétisation de l’idée peut bénéficier d’une protection. Le savoir-faire, les techniques et autres méthodes de créations sont également exclues de la protection.

La propriété littéraire et artistique s’applique aux œuvres de l’esprit. L’article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle donne une liste non exhaustive des œuvres de l’esprit, mais il n’en existe aucune définition légale. Pierre-Yves Gautier a tenté de définir cette notion comme: « tout effort d’innovation de l’esprit humain conduisant à une production intellectuelle, qui peut tendre vers un but pratique mais doit comporter un minimum d’effet esthétique ou culturel, la rattachant d’une quelconque façon à l’ordre des beaux-arts. » Une œuvre de l’esprit est protégeable peu importe : le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il existe une condition supplémentaire. L’article L112-4 du Code de la propriété intellectuelle exige un « caractère original » qui est une notion vaste, largement appréciée en jurisprudence. Ainsi ces œuvres de l’esprit, si elles sont originales, peuvent être couvertes par le droit d’auteur ou les droits voisins. Le droit d’auteur appartient au créateur de l’œuvre, les droits voisins appartiennent à ceux qui sont voisins du créateur, qui gravitent autours. (Producteurs…)
La protection naît du seul fait de la création. La reconnaissance d’un droit d’auteur sur une œuvre ne nécessite aucune formalité, aucun enregistrement. Il y a bien des dépôts légaux, des visas d’exploitations, mais ces formalités administratives ne sont pas constitutives du droit d’auteur.
Le droit de la propriété littéraire et artistique s’applique à tout genre et à toute forme. Le genre s’entend comme l’appartenance de l’œuvre à une des catégories des beaux arts alors que la forme est le mode d’expression utilisé dans ce genre.

§2 : Nature.

La propriété littéraire et artistique réunit les éléments du droit de propriété. Pendant longtemps la doctrine s’est interrogé sur la possibilité d’exercer un droit de propriété sur un bien incorporel. Une partie des auteurs considéraient que le droit réel ne pouvait avoir comme objet qu’un bien corporel.
Aujourd’hui la controverse est éteinte. L’article L.111-1 du Code de propriété intellectuelle dispose que « l’auteur (…) jouit (…) d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Il s’agit d’un droit de propriété conformément à l’article 544 du Code civil. L’auteur détient le fructus, l’abusus, et enfin il jouit d’une forme d’usus, même si sa portée est plus faible. Ce droit de propriété devrait aussi être absolu, exclusif et perpétuel.
En revanche la doctrine ne parvient pas à énoncer de façon unanime si le droit d’auteur est de nature patrimoniale ou extra-patrimoniale. Trois courants d’idées se sont formés.
La première thèse, dite moniste réaliste associe les droits d’auteur au revenu pécuniaire. Elle considère que le droit d’auteur est incontestablement un droit patrimonial.

La seconde thèse, appelée moniste personnaliste se penche sur l’originalité du droit d’auteur, la reconnaissance d’un droit moral sur les œuvres. Lorsqu’une œuvre est couverte par le droit d’auteur c’est qu’elle est originale, qu’elle porte la personnalité de son auteur, une prolongation du créateur. C’est ce lien que l’on veut protéger. Le droit moral de l’auteur est un droit de la personnalité. Il en a toutes les caractéristiques, le droit moral est inaliénable, perpétuel…
Enfin le troisième courant refuse de réduire le droit d’auteur à une conception moniste patrimoniale ou moniste extra-patrimonial. Cette thèse défend l’idée qu’il s’agit d’un droit unique, mais composé de deux branches indivisibles, il est hybride, composé du droit moral et du droit patrimonial.

Beaucoup se rallient à cette idée, c’est le cas par exemple de Pierre Yves Gautier. Ces quelques propos étaient importants pour comprendre que la propriété intellectuelle est ancienne et trouve parfaitement à s’appliquer au monde musical. C’est un droit de propriété, un droit qui est donc fort, mais qui est mis à mal de nos jours. Autour des années 2000, l’émergence et la démocratisation d’Internet alliés à la dématérialisation viennent perturber l’industrie musicale. Au cours de son histoire, l’industrie du disque a connu de nombreuses mutations, souvent liées à l’apparition de nouveaux supports comme la cassette audio, ou encore le vinyle. Mais cette fois, l’ampleur du changement est considérable, comme déjà expliqué, la numérisation est une invention probablement aussi importante que l’imprimerie. C’est une révolution qui vient bouleverser la distribution de la musique. La transformation n’a pas été anticipée, ni par le législateur ni par les acteurs du milieu. De fait, la société a été transformée, la musique est devenue un consommable, le moindre ordinateur peut stocker des milliers d’heures de musique, et les bibliothèques croulantes de disques se sont transformées en bibliothèque numérique. Cette évolution technique n’est pas un problème en soi, elle démocratise la musique et la culture, mais cela a dépassé le législateur qui est incapable de protéger les ayants droits et il faut voir en quoi la réponse législative apportée au téléchargement est inefficace.

Notre droit est fait pour dépasser les clivages du temps, conçu pour durer il a déjà des solutions à certains problèmes (I). Mais il se révèle impuissant à protéger correctement les ayants droits (II).

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