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Dope D.O.D. @ L’Ancienne Belgique, Bruxelles, 14/05/2013

Dope D.O.D. est de ces groupes qui parviennent à créer une véritable atmosphère en studio ; en seulement deux albums, le combo est devenu une valeur sûre du hip-hop. Depuis la sortie de Da Roach, il pleut un mélange acide de rap et d’electro dans mon salon. Inévitablement, j’ai sauté sur la première occasion de voir comment les Hollandais se défendaient sur scène. C’est arrivé près de chez vous un 14 mai – direction le pays des merveilles, j’ai nommé : le Belgistan. Dans les tunnels labyrinthiques d’un terrier nommé Bruxelles, mon GPS me laisse tomber ; chute libre. Après un moment d’errance paniquée, le hasard me mène enfin à un parking. Je sors de ma voiture ; un pictogramme m’indique que je suis garé en zone “canard bleu”. Pour la sortie, suivre “lapin vert” ; ce n’est qu’après avoir côtoyé cerfs, lézards et autres lièvres de mars que je trouve finalement la sortie.

Comme ça arrive souvent quand on suit des lapins, j’arrive à l’Ancienne Belgique avec trop de retard pour assister à la prestation de Dynamic ; dernier morceau, l’odeur de weed sature déjà l’air. Je me sens rétrécir face à la foule compacte de cette date sold-out, mais parviens à me frayer un chemin vers la scène lors du changement de plateau. Me voilà prêt à me faire bouffer le cerveau, car c’est bien l’intention qu’affichent les rappeurs de Ghosttown lorsqu’ils débarquent sur les beats de “Brainworms”.  L’Apocalypse est imminente. Sous les injonctions rauques de l’hydre à trois têtes, le public commence à bouger… Mais que fait la police ?

On est tous fous ici – et “Redrum”, tiré du premier album, nous entraîne plus loin dans la démence. Autour de moi j’entends scander « REDRUM, MURDER, GET YOUR BODYBAG ». Skits balaye la salle du regard d’un Jack Torrance dans les couloirs de l’Overlook. La setlist implacable pioche sans faux pas dans la courte discographie du crew, y compris dans le méconnu “The Evil”.

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De Kubrick à Fincher, dans le light show délirant de “Panic Room”, c’est toujours la psychose qui règne. On surnage, sur le sol de l’AB, dans une mare de sueur. Mais ce n’est pas encore suffisant. La course saugrenue se poursuit, dans une marée de Jack Daniels, au rythme agressif d’un “Witness the Crispness”. Pas de Dodo, mais des pogos – et une version live de “Bloodbath” à rendre les morts épileptiques. Les papillons stomacaux de l’irrésistible “Butterfly Effect” n’arrangent rien à l’humidité ambiante. Fort heureusement, à quelques minutes du seuil létal de groove, les beats planants de “Gatekeepers” offrent aux survivants une pause haletante ; l’occasion de dresser un bref état des lieux. La plupart des morceaux sont tronqués aux deuxième couplet pour la scène, mais à en juger par la serviette autour du cou de Dopey Rotten ou le sol du club, ce n’est pas par politique du moindre effort… Les trois MCs donnent tout leur être au dieu Hip-Hop à chaque instant, en rimes, en sauts et en interactions survoltées avec le public. Mais derrière cet enthousiasme furieux, on sent une mécanique de concert parfaitement huilée qui ne laisse rien au hasard – comme en témoigne le solide travail d’arrangements pour le live. Enfin, la douche à l’uranium de “Black Rain” lave la fosse moite de ses péchés. Un type sort des pogos avec l’arcade en sang. De quoi rappeler les mécréants à l’ordre : Dope D.O.D.’s gonna put you in your coffin.

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Puis la scène se vide. L’espace-temps se distend, ce petit bout d’infini a défilé beaucoup trop vite.

Le sevrage trop brutal se fait immédiatement sentir : « DOPE D.O.D, DOPE D.O.D, DOPE D.OD… ». Alors, après quelque minutes, vient la dose thérapeutique. “Brussels, put your hands up!” C’est sur les beats ravageurs de l’incontournable “What Happened” que le trio infernal achève de faire trembler le béton armé de l’AB. Achève? La fête de non-anniversaire n’est jamais vraiment finie. La conclusion de cet épisode de démence, chantée en featuring avec Redman sur l’album, ne pouvait porter qu’un nom : “Groove”.

Skits, Jay et Dopey, accueillis avec force poignées de mains et accolades, sautent un par un dans le public pour laisser à la scène à Dr. Diggles. La salle ne désemplit pas pour le DJ set, qui teinte de son dubstep sale des “Smack My Bitch Up” (Prodigy) ou des “It’s Bigger Than Hip-Hop” (Dead Prez). Pour moi, l’heure est venue de retourner de l’autre côté du miroir. Sur la route du retour, j’amorce lentement ma descente après cette petite heure d’A Spliff in Wonderland. Que s’est-il passé? Une pluie fine et poisseuse commence à tomber dans la nuit – une pluie noire, bien entendu.

Photographies par Keana Zec – plus d’images sur Facebook



  1. Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?