PJ Harvey – Let England Shake (2011 – Universal/Island)

letenglandshake

Chère Polly Jean,

Cela fait près de 10 ans que nous nous fréquentons. Il est peut-être temps de faire un point sur notre relation.

Je me souviens encore de la première fois que je t’ai entendue. J’avais parcouru d’un œil distrait les chroniques musicales d’un magazine de guitare et avais été intrigué par les propos relatifs au dernier album d’une britannique dont le nom ne m’était pas totalement inconnu : PJ Harvey. Quelques temps plus tard, alors que je flânais comme souvent à l’époque chez un disquaire, je tombai sur l’album Stories from the City, stories from the sea. Il est vrai que l’on se souvient toujours de son premier baiser. La caresse des mélodies soyeuses comme un automne à New York m’a immédiatement séduit, et même la réticence à devoir écouter Thom Yorke sur “This Mess we’re in” a été irrémédiablement balayée par la qualité du morceau.

Les semaines suivantes, je me procurai le reste de tes albums. 4-track demos me donna plus de mal, mais à la faveur d’un voyage à Munich, je trouvai mon Saint Graal. Et puis, comme dans toute liaison, les choses ont évolué.

Uh huh her me laissa un goût moins sucré en bouche. Non pas à cause de tes goûts vestimentaires parallèles, mais plus en raison des compositions elles-mêmes. Mais l’amertume restait agréable. Comme ton regard énigmatique sur la jaquette. La suite fut beaucoup mois plaisante.

C’est White Chalk surtout qui m’a fait douter. Pas de toi, mais de moi. Plus de côté âpre, nulle guitare. Avais-tu renié les bases de notre relation ? Souhaitais-tu rompre totalement avec le passé ?

Ces dernières années, tu t’es à nouveau commise avec ton ami John Parish. J’avoue ne pas trop apprécier les aspects de toi qu’il fait ressortir. Tu pourrais parfaitement affirmer qu’il n’y a qu’avec lui que tu peux t’exprimer de la sorte. Ce serait cruel de le dire, mais ce ne serait sans doute pas faux. Qui suis-je pour te reprocher ta façon d’être et pour contrarier tes aspirations ?

Et nous voici à présent avec Let England Shake. Un album enregistré une nouvelle fois chez toi, à Dorset. Lieu somme toute assez tranquille, d’où rien de saillant ne semblait appelé à sortir. Si ce n’est toi.

Ainsi que le titre le laisse présager, l’album sonne très britannique, revendiquant un côté pop. Le rock n’est pas absent, mais la tonalité d’ensemble paraît plus sautillante que jamais. Encore un nouveau départ ? Ceux qui te connaissent comme moi peuvent cependant trouver les échos de tes précédentes réalisations par ci par là. Tu instilles un certain trouble par endroits, en juxtaposant certains éléments a priori étrangers. L’ensemble de l’album est homogène, et semble retranscrire les différents aspects de ta personne qui avaient été jusqu’à présent exposés séparément. Alors certes j’ai toujours envie de te dire « Prends-moi aux tripes avec un riff de guitare », « Renverse-moi d’une phrase de violoncelle » ou « Retourne-moi d’une nappe electro », mais je sais que c’est bien toi qui a conçu Let England Shake. Et j’ai l’impression de te reconnaître à nouveau. Il reste possible de préférer une de tes tenues musicales passées, mais il me semble difficile de rejeter d’un bloc l’image que tu donnes, à tes vingt et quelques printemps (plus que) passés.

Pour terminer, je dois me rendre à l’évidence. Nick Cave pourrait en témoigner bien mieux que moi, mais tu sais comment dérober les cœurs. Et tu as pris le mien.



Commentaires

1 commentaire to “PJ Harvey – Let England Shake (2011 – Universal/Island)”
  1. Killer Queen says:

    Et bien, on dirait bien que tu es amoureux ! ^_^

Laissez un commentaire

Dîtes nous ce que vous en pensez...
ah oui, et si vous voulez avoir un avatar, cliquez sur gravatar!