Portishead – Third (Island, 2008)

mai 29, 2008 · Print This Article

Il est des retours auxquels on ne croyait plus, à notre grand désarroi. Depuis 1998, tout portait à croire que la carrière de Portishead se résumerait à deux bijoux de trip hop et un album live synthétisant leur carrière.
Mais voilà qu’ils reviennent, enfin !

Il est des retours auxquels on ne croyait plus, à notre grand désarroi. En 1998, les membres du groupe le plus célèbre de Bristol avaient décidé de souffler, et au vu des albums solo de Beth Gibbons très différents du son lancinant auquel elle nous avait habitués, et les diverses rumeurs de nouvel album toujours démenties par le groupe, tout portait à croire que la carrière de Portishead se résumerait à deux bijoux de trip hop et un album live synthétisant leur carrière.
Et puis voilà qu’au détour d’une publicité télé, j’apprends la sortie de leur album, le troisième, comme son nom l’indique. Évidemment, cela fait tellement longtemps que l’on attendait que c’est dans un mélange de ravissement et d’inquiétude que je me suis ruée sur ce nouvel album.
Après quelques mots d’introduction en portugais, c’est donc un nouveau voyage qui commence. Un voyage douloureux, que les deux hommes du groupe, Adrian Utley et Geoff Barrow, racontent comme un combat (Beth Gibbons ne donne jamais d’interviews, par habitude peut-être, par snobisme probablement, par timidité flippée vraiment). Ils l’ont voulu plus engagé, moins claustrophobe, moins hors du monde et de ses réalités, comme pouvait l’être le cultissime Glorybox.
Portishead - Third Et c’est une pleine réussite. Oscillant entre des saccades désespérées, comme sur le premier morceau, qui porte le drôle de titre de «Silence» et des rythmes plus lancinants fidèles à leur trip hop mélancolique (pléonasme ?), cet album nous transporte très loin dans un sentiment de dangerosité emporté par la voix toujours plus fragile et hantée de Beth Gibbons. C’est un peu comme si l’on marchait sur la plus pure et la plus fine glace d’un lac bien trouble, la croûte gelée de frais menaçant à chaque pas de céder pour nous emporter vers des profondeurs froides et sales. On sait que c’est dangereux, mais on continue quand même. Juste parce que c’est hypnotique, on résiste tout en voulant que cela cède sous nos pas. Chaque minute nous emmène un peu plus loin dans l’errance, sans jamais avoir envie que la musique ne s’arrête, surtout pas. Et après un intermède étrange précisément intitulé «Deep Water», la glace cède effectivement pour nous happer vers le point culminant de l’album «Machine Gun» et ses percussions mitraillettes puis des morceaux finaux vocalement emplis de lassitude, de larmes et de folie. Beth Gibbons rugit, convulse, s’effondre et sombre, ou tout cela à la fois sur des rythmes précis et des paroles soignées qui ne donnent pas spécialement envie de rire : ‘What more can I say? / For I am guilty / For the voice that I obey / too scared to sacrifice a choice / Chosen for me’ (‘Que dire de plus ? / Car je suis coupable / Car la voix à laquelle j’obéis / Trop effrayée pour me sacrifier à un choix / choisi pour moi’ – «Machine Gun»).
Après dix ans à attendre le retour du combo de Bristol, cet album est tout simplement un pari risqué qui s’est mué en pari réussi au-delà même de toutes les espérances. D’ailleurs, certains n’hésitent pas à déclarer qu’il s’agit là de leur meilleur album, et je ne suis pas loin d’être d’accord. Portishead a déposé ses couronnes de monarques du royaume du trip hop glauque pour devenir les empereurs de la mélancolie aux milles sonorités, séquestrant une princesse plus torturée que jamais.
Et c’est beau, tout simplement.

MySpace de l’album Third
Site officiel de Portishead

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