Interview : For Heaven’s Sake (Partie 1)

Après une chronique hautement positive, ce qui était amplement mérité, Les Immortels ont pu recueillir les mots, paroles et autres discours de Guillaume Nicolas, seul maître à bord de For Heaven’s Sake.

1- Salutations Guillaume. Pour commencer, un peu de traduction. Ton album se nomme Paha Sapa/Mako Sika. Quès acco ? Ça se mange ?

(rires) non, non, pas du tout. C’est de l’amérindien. Depuis toujours, je suis fasciné et passionné par la culture, la musique et la poésie des indiens d’Amérique. Ce titre pourrait être traduit par « Black Hills/Badlands », c’est à dire d’un côté, les terres saintes, les terres de la vie, la montagne sacrée, et de l’autre côté, les terres mauvaises, perdues, de la mort. Il existe de très nombreux ouvrages américains extraordinaires là-dessus. Je pourrais parler des heures et des heures de tout ce que ceci signifie pour moi. Il y a un sens très fort qui résonne en moi derrière ce titre, il y a énormément de niveaux de lectures et d’interprétations, et surtout, une notion de spiritualité très forte, très profonde derrière ce choix. Un des plus anciens chefs lakota a dit un jour: « Paha Sapa est le cœur de notre pays et le pays de notre cœur ».

2- Par extension, pourrais-tu nous préciser comment est né cet album et ce qui t’a poussé à empoigner le manche –non, il n’y a pas d’allusion salace– et à composer ?

Cet album est né au fil du temps, au fil de voyages, dans le monde entier, notamment dans toute l’Europe, mais aussi, et surtout aux USA. Je suis particulièrement attaché, pour différentes raisons, à New York. Depuis 2005 et le premier album éponyme, je n’avais rien sorti officiellement sous le nom de For Heaven’s Sake. J’étais plus intéressé par voyager, m’ouvrir au monde, aux cultures, aux peuples, que par enregistrer un album. Mais j’ai toujours – et plus que jamais – continué à composer durant toutes ces années, c’était un besoin vital d’écrire, encore et toujours. Petit à petit, l’envie de sortir un nouvel album est revenue. J’avais un nombre incroyable de chansons à ma disposition (sourire). Il m’a donc fallu faire des choix parmi tout ce que j’avais écrit ces dernières années. Donc, le cœur de cet album est né progressivement et tout à fait naturellement. J’ai la chance de travailler de manière totalement indépendante, de ne subir aucune pression extérieure, et d’être entièrement libre de mes choix, de mes envies, de mes désirs. Si je veux sortir trois albums en un an, je le fais, si je décide d’ouvrir une parenthèse dans ma vie, voyager, découvrir de nouvelles régions du monde, de nouvelles cultures, me ressourcer, et ne rien sortir pendant quatre ans, je le fais également. Mais actuellement, avec toutes les chansons dont je dispose et que je veux partager, je suis définitivement dans l’humeur de sortir plusieurs albums (sourire).

3- Maintenant, la question que tout le monde se pose : avoir une chronique dans Elegy, est-ce que cela aide pour séduire ? Et plus sérieusement, cela a-t-il changé la façon dont était perçu ton travail ?

(rires) je ne sais pas si ça aide pour séduire, mais une chose est sûre, c’est toujours extrêmement flatteur de recevoir de si bonnes chroniques, surtout lorsque ça provient de magazines ou de médias que tu apprécies. Surtout, je crois que ce qui m’a beaucoup touché durant toute la promotion de cet album, c’est de recevoir de fantastiques chroniques de la part de magazines extrêmement différents les uns des autres. En effet, il y a à priori peu de points communs dans les lignes éditoriales artistiques entre des publications aussi différentes que Les Inrockuptibles, Elegy, Crossroads, Noise, Guitar Part ou encore Obsküre pour n’en citer que quelques-unes. Ça m’a beaucoup touché car ça m’a montré que ma musique pouvait s’adresser à des publics extrêmement divers et variés. Mais plus que tout, ce qui m’a vraiment fait plaisir, c’est de me rendre compte que d’une chronique à l’autre, aucune description de l’album et de la musique proposée au sein de ce disque n’était identique, ce qui m’a conforté dans l’idée que mon univers musical est difficile à « cataloguer », et que ce projet ne rentre finalement dans aucune case particulière. Certains ont parlé de « songwriting écorché et élégant », de « gospel psychédélique », d’autres de « musique shamanique atmosphérique et hypnotique », de « heavy oriental mystique », de « musique traditionnelle indienne », de « rock aventureux », de « folk-soul mélancolique », de « country/blues gothique », de « musique expérimentale christique », de « post-rock psyché-progressif », ou encore de « world-folk oriental habité et hanté ». C’est extraordinaire de recevoir autant de bonnes chroniques, mais surtout autant de sentiments, d’interprétations, de sensibilités différentes d’une personne à une autre. J’ai toujours cherché à créer la musique la plus personnelle, la plus pure et surtout la plus libre possible, sans aucune limite, aucune barrière, aucun « code ».

4- Lors de l’écoute, j’ai perçu tes compositions comme étant très visuelles. Envisages-tu de marier tes notes à des images pour écrire une sorte d’histoire, un peu comme ce qui a été fait avec les films Chronos, Baraka ou Samsara ?

J’aime beaucoup l’idée que tu aies une interprétation très visuelle de ma musique, ça me touche, car j’aime cette idée que les gens puissent interpréter ces morceaux avec leur propre vécu, leur propre sensibilité, et progressivement se créer leurs propres images, leur propre film dans la tête en écoutant ces morceaux. J’aime également énormément l’idée de marier musiques et images, je pense qu’il y a des choses incroyables à réaliser dans ce domaine, et je pense que certaines de mes compositions futures s’y prêteraient fortement. Donc, oui, c’est un désir de projet que je garde quelque part au fond de moi, une envie que je souhaiterais probablement concrétiser dans le futur, mais je garde toujours en tête que la priorité reste encore et toujours la qualité du songwriting, la qualité des chansons, la qualité des albums. Voilà pourquoi si ce type de projet devait voir le jour, je ne pense pas que ce soit sur des « chansons » à proprement parler, car je ne suis pas sûr que le « songwriting » comme je le conçois puisse réellement se mettre en images, mais ce serait alors plus dans une optique de créer un album ou un E.P expérimental en adéquation volontaire avec des images. Ce serait alors un véritable travail d’équipe, main dans la main, avec le réalisateur. Il me faudrait alors travailler alors avec quelqu’un dont je connais et apprécie le travail. Créer une musique qui collerait avec ses images, l’univers graphique et visuel de cette personne, et vice-versa de son côté. J’ai d’ailleurs eu cette conversation avec une amie réalisatrice il y a quelques semaines, et nous avons commencé à parler d’un projet comme celui-ci. Je dispose actuellement d’une très longue pièce musicale de près de 30 minutes, et on aimerait réaliser ensemble tout un univers visuel autour de ce morceau. On verra. Pour l’instant, ma priorité est définitivement mon prochain album. Mais dans un futur plus ou moins proche, oui, marier ma musique à des images est quelque chose de tout à fait envisageable dans le cadre d’un projet bien précis.

5- Ton album sonne comme porté par une envie d’ailleurs. Voyager, est-ce pour toi le moyen de trouver ce que l’on ne parvient pas à obtenir chez soi ou s’ouvrir à quelque chose de foncièrement différent ?

Définitivement. Cependant, je pense qu’il y a différents degrés d’ouverture au monde, différentes manières de se sensibiliser au monde qui nous entoure, aux cultures, aux richesses culturelles, spirituelles et artistiques. Bien sûr, je suis passionné par les voyages. J’aime voyager, j’aime l’idée de découvrir de nouveaux pays, de nouvelles villes, de nouvelles traditions, de nouvelles coutumes, de nouvelles sensibilités, de nouveaux sons, de nouveaux instruments, de nouvelles croyances, j’aime cette sensation d’aller au cœur des choses. Tout ceci est, je pense, nécessaire à mon songwriting, c’est une grande partie du cœur de mon écriture musicale. Ça m’inspire énormément d’être dans de nouveaux environnements. Ça me permet d’élargir considérablement mes couleurs musicales, mon langage artistique. Par exemple, je pense profondément que selon si tu te trouves à Los Angeles, Amsterdam, Bombay, Memphis, Barcelone, Moscou, Chicago, Buenos Aires, Athènes, Tokyo, Tanger ou encore Mexico, tes inspirations et tes envies musicales sont totalement différentes.

6- Une citation d’un film qui a marqué son époque : « L’important, ce n’est pas la chute. C’est l’atterrissage. ». A ton sens, que ce soit pour les pérégrinations ou la réalisation d’un album, où est le plus important : le résultat ou le processus ?

Les deux sont extrêmement importants, et à mon sens, surtout, les deux sont extrêmement liés. L’un ne va pas sans l’autre. Selon moi, et ce, dans tous les domaines de la vie, un beau résultat ne peut aboutir que d’un processus fort, et de la même manière, une aventure humaine profonde donnera forcément à l’arrivée un résultat marquant. Donc, définitivement, les deux sont inséparables.

7- Si je dis que ton album est un album « à guitare », trouves-tu que cela est foncièrement réducteur ?

Non, pas du tout. Pourquoi trouverais-je ça réducteur ? Je suis passionné de guitare, c’est un de mes instruments préférés au monde, et probablement celui avec lequel je compose le plus. Donc, si tu trouves que mon album est un album « à guitare », je prends cette remarque comme un beau compliment. Même si le disque est habillé de très nombreux arrangements, de très nombreuses couleurs, d’instruments extrêmement variés, la base des morceaux reste la guitare. A la base, j’ai appris à écrire des chansons grâce aux songwriters américains, Bob Dylan, Bruce Springsteen, Johnny Cash, donc venant de là, bien évidemment, j’ai toujours pensé qu’une bonne chanson se devait d’être déjà parfaite dans sa forme la plus simple, la plus pure, la plus dénudée, uniquement voix/guitare. Je suis un amoureux et collectionneur de guitares. Donc, entendre que mon album est très « guitare », ça me plait, et je ne pense pas forcément que ce soit réducteur, malgré la richesse et la diversité des autres instruments utilisés et des autres sonorités développées au sein du disque.

(à suivre ici)

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A propos Alkayl
Canard cosmique, rôliste patenté, humoriste parallèle.