Olivier Calmel Electro Couac – Sha-Docks (2009/Yes or No Prod)

Shadocks Il faut ramer pour trouver des défauts au dernier album d’Olivier Calmel… La pochette – si l’on veut chipoter – semble laisser à désirer. Mais son goût douteux est en adéquation avec le titre de l’album. Celui-ci fait d’ailleurs problème : il peut laisser penser à une blague et permettre à l’éventuel curieux de passer bien à tort à côté d’un album excellent.

Ce n’est pas a priori une surprise : les deux précédents disques (encouragés par Didier Lockwood) de Calmel, Mafate et Empreintes, étaient déjà d’un niveau supérieur. Mais on monte ici d’un cran. Jamais le jazz progressif n’a été aussi bien servi et en fusion. Il est vrai que les sidemen qui entourent le créateur et pianiste ne sont pas des seconds couteaux. Christophe Panzani d’abord. Le saxophoniste est membre de Carla Bley Big Band et se produit au sein de formation jazz à l’esthétique différente : afro (avec Ousmane Danedjo), moyen orient (avec Fayçal Salhi 5tet), electro hip-hop (Electro Deluxe) ou latino (Marie Tejada par exemple). A ses côtés encore Frédéric Aymard au violon alto (qui a enregistré avec Pat Metheny, Charlie Haden, Lucky Peterson). Bruno Schorp est à la basse. Il a travaillé auprès des grands noms de Jazz. De même que Frédéric Delestre (batterie), Vincent Peirini qui sort l’accordéon de la guinguette pour le porter vers l’expérimentation et encore Karl Jannuska (batteur sur le premier et le meilleur titre de l’album) de même que le percussionniste Rémi Merlet.

Pas de temps morts dans ce CD ambitieux. Il brasse ou plutôt organise un grand nombre de références dans un creuset impeccable auquel s’ajoute une électro bien tempérée, astucieuse et divers bruits jamais incongrus. « Z tril OMT », « Shadock Incandescent », « Le temps du trajet » restent des morceaux aussi ambitieux qu’imparables. Jouant sur divers registres l’ensemble prouve sa polyvalence et sa maîtrise afin d’offrir une musique structurée, souvent enjouée et intelligente propre à satisfaire le public le plus exigeant comme les néophytes. « Electro Couac » s’écoute et ne peut laisser indifférent. On n’y retrouve pas les classiques monstrations où chaque participant joue chacun à son tour les solistes. Ici, tout est fait en groupe, sans temps mort ni singerie exhibitionniste. L’ensemble est vraiment au service de la musique habilement composée et construite en une narration subtile dans laquelle chaque instrument possède un rôle bien défini.

Reste une tension essentielle, colorée, enjouée. Modifications, transformations, rapprochements, injections : tout permet de jeter le jazz hors de lui-même pour mieux le retrouver. Brouillant les frontières, les compositions de Calmel permettent de rejoindre le pays où tout est permis : celui des inavouables communautés. Des éléments épars, disjoints puis rassemblés grouillent. Plus qu’ailleurs la musique devient une matière jouissante. Dans ses labyrinthes surgissent des effractions concrètes. D’autant qu’avec le temps le langage de l’auteur se précise : plus sophistiqué il ne perd rien de son mystère au contraire à travers des invasions nouvelles. Et lorsque les artistes jouent on se demande si leurs mains ne sont pas des mains de fantômes. Pourtant, elles possèdent des nerfs, des vaisseaux, de la chair et des os qui nourrissent leurs gestes. Il faut suivre leurs pistes mouvantes. Tout disparaît : indices d’hier, pouls de nébuleuse, aiguille de montre vers une poussée originale.

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A propos JPGP
Honorable poète, fin critique et mélomane terrible.

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