Le blog des Immortels - Chroniques musique alternative » Concerts Pop http://www.lesimmortels.com/blog Le blog des musiques alternatives et des alternatives musicales Sat, 21 Jul 2012 16:30:06 +0000 http://wordpress.org/?v=2.8.4 fr hourly 1 Patti Smith @ Grenoble, le MC2 – 8/11/2011 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/4349/2011/11/27/patti-smith-grenoble-le-mc2-8112011/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/4349/2011/11/27/patti-smith-grenoble-le-mc2-8112011/#comments Sun, 27 Nov 2011 15:44:22 +0000 JPGP http://www.lesimmortels.com/blog/?p=4349 Patti Smith live @ Grenoble 2011 - photo Damien LorekAux bourreaux du bitume Patti Smith a donné une sacrée leçon de conduite. Dans la petite salle de la MC2 de Grenoble l’Américaine a laissé abasourdis et presque sonnés le millier de personnes avides autant de vieil art, de vernis sages comme de concert intempestif ou progressif. La salle ressemblait à une cour des miracles bourrée de sauvetages sonores au nom d’une musique qui, en dépit de l’âge de l’officiante, reste pleine d’acné juvénile.

Au lieu d’un concert d’adieu ce fut une faim de partie où planaient des zèles du désir. Le rectangle de la salle devint un carré pour “l’hypothémuse”. Ses zestes déplacés, les accents électriques de son groupe évitèrent tout râteau à la méduse. Dopés à l’huile de Ricains les spectateurs forcés d’être debout eurent droit à des folies berbères. De maison glose la MC devint pour une fois tout sauf un palais de la culture, une tombe à retardement ou un Ritz amer.

Rejetant aux calendes grecques l’automobile pétaradante de la crise et ses accords des on, Patti Smith fit de son show musclé un bar à basse, un dragueur de mimines. On y prit un panard gothique pour ressentir une Faust impression. Il y eut à la fin des braves hauts et des bis cornus qui couvrirent les rôts lents de gars rosses qui, croyant assister à un enterrement de première, étaient venus chargés de bières.

Patti Smith fut telle qu’en elle-même. Sans effets, tartes tapins, compromis ou opéra pastille. Le concert sentit la foudre du début à la fin. La chanteuse tel un soda inconnu offrit non un faux rhum de hall mais une musique rare qui sent toujours la rage et de garage.

Crédit photo : Damien Lorek http://www.flickr.com/photos/dlorek/

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X JAPAN – ZÉNITH DE PARIS – 1er JUILLET 2011 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/3777/2011/07/03/x-japan-%e2%80%93-zenith-de-paris-%e2%80%93-1er-juillet-2011/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/3777/2011/07/03/x-japan-%e2%80%93-zenith-de-paris-%e2%80%93-1er-juillet-2011/#comments Sat, 02 Jul 2011 22:21:49 +0000 Killer Queen http://www.lesimmortels.com/blog/?p=3777 X Japan - 01/07/2011WE ARE X !!! NOUS SOMMES X !!!]]> x-japan_liveAT LAST FRANCE! (= Enfin la France !) Ce sont ces quelques mots qui ont été prononcés très vite par X Japan à l’occasion de leur tout premier concert chez nous. Et les Immortels y étaient !

Avant toute chose, ceci est un live report de fan, donc tout manque d’objectivité y est parfaitement assumé. Bref.

Dès le début de leur carrière, en 1982, à leur séparation en 1997, le groupe X Japan n’avait jamais joué en France. Puis il y eut un très émouvant show case parisien l’an dernier, annonçant leur retour. Retour très attendu par les fans des inventeurs du ‘visual kei‘ (ce courant musical japonais mêlant tenues extravagantes à mi-chemin entre le look glam le plus fardé, nos beaux hardeux années 80 et métal virtuose) et de leur son unique oscillant entre ballades à fendre l’âme d’une pierre sourde et rock, tantôt speed, tantôt hard, ou tantôt métal plus classique. Mené par le génie batteur-pianiste-auteur-compositeur-bête de scène Yoshiki ‘Yoshi’ Hayashi et le chanteur à la voix puissante et venue d’ailleurs Toshimitsu ‘Toshi’ Deyama, il inclut également aujourd’hui Hiroshi ‘Heath’ Morie à la basse, Tomoaki ‘Pata’ Ishizuka à la guitare rythmique, Yūne ‘Sugizo’ Sugihara à la guitare et au violon. Et évidemment, la présence du guitariste légendaire Hideto ‘hide’ Matsumoto, dont la mort accidentelle en 1998 a laissé des traces très profondes sur les deux leaders, plane toujours dans l’air, même si le groupe a enfin entamé son deuil en abandonnant le son et lumière holographique de hide qui les accompagnait jusqu’à il y a peu de temps.

Et voilà qu’après un triomphe au festival étasunien Lollapalooza en 2010, ils sortent un nouveau single, “Jade” (et peut-être un prochain album ?), et une tournée mondiale suit logiquement en 2011, passant par l’Europe et les Amériques Centrale et Latine, quelques dates peut-être amenées à s’étoffer. Et ce 1er Juillet au soir, le Zénith de Paris… le genre d’événement qu’on ne loupe pas. Quitte à attendre plus de 3 heures 30 à piétiner seule et debout sans vivres ni eau, en subissant les mafieux à la petite semaine qui veulent absolument racheter votre place (plutôt mourir, mec, mais bonne journée quand même…) pour la revendre à prix d’or, quitte à déchirer inopinément son t-shirt à la porte des toilettes (message de service : Daphné, ma rédac chef adorée, puis-je considérer que c’est un accident du travail ?), quitte à payer une somme folle pour boire un thé glacé qui ressemble à s’y méprendre de l’idée que l’on peut se faire de la pisse de lama, quitte à écouter sans hurler de rire des adolescents âgés de douze ans au garrot qui observent et demandent à cantonade :  : «C’est quoi ‘Ikseu-Japon’ ? Ça chante pendant le concert ?» (Authentique !).

Et puis on fait de belles rencontres : Ikari, bassiste du projet français GaïdjinN dont on reparlera très bientôt, des animateurs de la chaîne de télévision NoLife, des jeunes mettant à l’honneur la résistance du ‘visual kei’ à l’usure du temps et des modes.

Et puis petit à petit, les t-shirts, signes de reconnaissance de tout concert, se font plus précisément choisis : beaucoup d’X Japan, évidemment, mais également beaucoup de J-Rock voire de J-Pop, de métal plus proche de nos contrées occidentales (keep the horns!), de motifs inspirés de geekitude absolue, et puis beaucoup de t-shirts NoLife (!!) aussi, dont votre humble servante ici écrivant.

Après une installation dans une moiteur incroyable, après une looooongue attente sans première partie (d’après le personnel du Zénith interrogé, le groupe initialement prévu aurait été viré in extremis pour manque de professionnalisme et comportement lamentable…), après avoir appelé, hurlé, enfin, le concert commence… WE ARE X!

Bien sûr, on peut commencer par râler un peu : une setlist identique au iota près à la date précédente de Londres et, parions-le, à celle d’en ce moment-même aux Pays-Bas, ce qui pousse certain-e-s à hurler au play-back en règle, accusation sans fondements.

Très peu de morceaux. Soit. Mais à dix à vingt minutes par titre, on ne peut pas tout à fait se sentir amputé.

Peu de spontanéité et un show certes parfait mais exécuté de manière implacable. Tout en étant d’accord avec cela, il faut bien reconnaître que l’ancienneté d’X Japan amène logiquement une structure de concert très professionnelle, à fond les manettes, et surtout rodée à l’extrême. Et il est vrai que le Zénith (dans les 6 500 places) presque plein a eu beaucoup de mal à encaisser le choc visuel, sonore et spectaculaire d’un groupe habitué à remplir comme un œuf le Tokyo Dome, plus de huit fois plus vaste ! Ressortie sourde comme un pot et ayant à certains moment mal vécu la saturation acoustique abominable qui vrillait mes tympans pourtant bien bouchonnés, je reconnais avoir trouvé que le spectacle se serait davantage prêté à une salle [beaucoup] plus grande pour contenir toute l’amplitude d’un concert aussi bien huilé. Ou alors à un déroulement moins réglé comme du papier à musique fait pour être efficace et en jeter plein les yeux et les oreilles.

Mais ceci mis à part, ce n’est pas parce que tout était calibré et ultra-répété que cela enlevait à la beauté ou à l’émotion. Après l’introduction classique, X Japan attaque directement avec une version survoltée de leur nouveau single “Jade”, déchaînant la foule de manière immédiate, les gradins se levant frénétiquement dès le premier accord et la salle entière joignant les bras pour ce fameux X de ralliement. Entre chaque morceau rappelant que ce groupe est depuis trente ans un ensemble d’excellents musiciens, de techniciens de légende, des monstres sacrés, nous avons droit à quelques petits mots adorables en japonais, en anglais mais aussi en français (on apprécie l’effort) et une vraie communication avec le public. Yoshi, très expansif et torse nu, tabasse sa batterie, se roule par terre, jette des ‘fuck’ dans toutes ces phrases, et se brise la voix à crier à l’envi le traditionnel WE ARE… X! Les chansons jouées ont visiblement été sélectionnées avec beaucoup de soin pour permettre d’avoir un aperçu de leur si belle carrière, avec des envolées speed metal survoltés entrecoupées d’interventions qui laissent éclater la virtuosité du violon de Sugizo et le talent classique du piano de Yoshi. Naturellement, nous sommes invité-e-s à chanter à plein poumons. Et c’est dans une phonétique quasi-parfaite que chacun-e reprend des textes dans des langues pas nécessairement maîtrisées, en anglais ou en japonais.

Après l’hymne survolté “X”, prolongé jusqu’à n’en plus finir dans la joie collective, après les ‘hide can fucking hear you’, ‘Plus fort !’, ‘On vous aime la France !’, le groupe fait semblant d’en avoir terminé. Pour mieux revenir avec le lyrisme et la beauté de l’incontournable “Endless Rain”, suivi du morceau de bravoure (originalement 29 minutes mais ici légèrement raccourci) “Art of Life”, mêlant successivement piano torturé, puissance vocale, harmonies de guitares hurlantes et accents prog.

Et enfin, le concert s’arrête sur un play-back de “Forever Love”, douceur finale qui permet aux membres du groupe de poser micros et instruments, de laisser la musique dérouler, de faire rallumer la salle, de nous saluer, de poser au cœur de la scène pour une photo-souvenir devant cette foule qui les a acclamés.

Il est toujours un peu complexe de terminer une chronique de cet ordre. Oui, après le concert, nous sommes sorti-e-s de la salle, nous avons regagné nos pénates un peu perdu-e-s, beaucoup courbaturé-e-s, un peu différent-e-s, un peu pauvres mais si riches (disons pudiquement que le stand merchandising récoltant des fonds pour la Yoshiki Foundation pour reconstruire le Japon dévasté, les prix sont logiquement très élevés et je suis faible…), la fougue au cœur et l’envie de hurler ‘J’y étais !’. Et que c’était énorme, magique, grisant, inoubliable, gravé.

Au point que la station de métro Porte de Pantin résonne encore de cette foule compacte et bigarrée parlant français, anglais, allemand, espagnol, flamand, italien, russe, farsi… qui a bondi et hurlé sur les quais de la station, au point de terrifier les riverain-e-s : “WE ARE … X !! WE ARE … X !! WE ARE … X !!!”

yoshikitty

Hello Kitty + Yoshiki = Yoshikitty

SETLIST

  1. New Intro
  2. Jade
  3. Rusty Nail
  4. Silent Jealousy
  5. Drain
  6. Kurenai
  7. Born To Be Free
  8. I.V.
  9. X
  10. Endless Rain
  11. Art of Life (second movement)
  12. Forever Love

LIENS UTILES :

- Site officiel
- Yoshiki sur Twitter
- X Japan sur Facebook

Oui, j'y étais !! Crédit photo : http://twitpic.com/photos/YoshikiOfficial

Oui, j'y étais !! Crédit photo : http://twitpic.com/photos/YoshikiOfficial

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DJ Shadow, Battles, Half Japanese, Fowatile… @ Nuits Sonores (Lyon) – 01/06/2011 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/3553/2011/06/07/dj-shadow-battles-half-japanese-fowatile-nuits-sonores-lyon-01062011/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/3553/2011/06/07/dj-shadow-battles-half-japanese-fowatile-nuits-sonores-lyon-01062011/#comments Tue, 07 Jun 2011 09:59:31 +0000 Toto Duchnok http://www.lesimmortels.com/blog/?p=3553 Nuits Sonores

Compte-rendu d'une nuit éclectique.]]>
structure2

Jusqu’en 2008, le sud de la presqu’ile de Lyon, desservi par la gare de Perrache, était le siège de l’immense marché de gros lyonnais. Manifestement, des considérations autant techniques (confinement du site par le fleuve, vétusté des installations) que politiques (le plein centre de Lyon suscite d’autres ambitions), le marché s’est vu délocalisé à Corbas. En attendant que les projets concernant la presqu’ile ne se concrétisent, il ne reste de cet ancien site qu’une vaste étendue de hangars vétustes et d’entrepôts abandonnés. C’est là que, le temps d’une semaine, le festival des Nuits Sonores installe le décor de ses manifestations nocturnes.

A l’ouverture des portes, un peu avant 21h, le public est étonnamment clairsemé. On apprendra plus tard que les lyonnais avertis ne sont pas pressés d’arriver, préférant ne pas prendre le risque de s’écrouler sur le sol en bavant un mélange de bière et de Redbull (sponsor de la soirée) à la fin de la nuit. Les Nuits Sonores en effet portent bien leur nom, et la morne quiétude du marché abandonné sera troublée jusqu’après 5h du matin.

structure A l’entrée, on est excités comme des gamins de devoir traverser une imposante tour au squelette métallique parcouru de néons furtifs, qui diffuse fumée et sons stridents tout droit sortis d’une installation foraine. Derrière, on découvre les quatre scènes, qui seront plus ou moins dédiées à quatre orientations musicales distinctes, separées par un préau rose dont le sol est recouvert de gazon artificiel. D’autres installations géométriques parcourues de multiples écrans jalonnent l’étendue occupée par le festival. Le tout est très réussi ! Devant les panneaux géants qui répètent le programme de la nuit, pourtant, le gigantesque talon d’Achille de la soirée, d’une obscène évidence quand les horaires sont fièrement affichés en format deux mètres sur trois, revient nous serrer insidieusement la gorge ; des trois têtes d’affiche, elles aussi copieusement annoncées par l’équipe de communication, il ne sera possible d’en voir que deux… Sur les deux premières scènes, les matheux de Battles et les Sonics, légendes de la scène garage de Seattle, partageront le même créneau. Les goûts, les couleurs et l’humeur de la soirée ne se discutant pas, les lecteurs me pardonneront d’avoir fait un choix : les bricoleurs de Battles auront ma préférence sur les papys survoltés.
En attendant le coeur du programme, on flâne donc tranquillement d’une scène à l’autre, où les premiers groupes ont déjà commencé leurs méfaits. La balade sera rapidement écourtée, parce qu’on a la chance d’être très vite scotchés par l’un d’entre eux.

A propos de Fowatile, on peut lire ici ou là le nom de Roots Manuva ou, dans un cadre hexagonal, Saïan Supa Crew. Mais le flow du MC enflammé offre une palette impressionnante, du phrasé nasal type B-Real à la chaleur du chant d’un crooner soul. Autour de lui, clavier et batterie électroniques remplacent avantageusement des samples qui auraient perdu un peu de leur force sur scène, et le travail du MC tient alors plus de la production live que du jukebox manuel. En un mot, c’est la vraie bonne surprise de la soirée, à même de vous refiler une monstre patate pour la suite !

Ca tombe bien, on a un peu de temps avant la prochaine grosse affiche, alors j’écoute les conseils avisés de compagnons mieux informés que moi et décide de donner leur chance aux américains pur jus de Half Japanese. Ces vieux routards ont un CV plutôt chargé, de collaborations avec John Zorn et Moe Tucker jusqu’à leur présence à la mort du sieur Cobain… en guest-stars sur son ultime T-Shirt. Sur scène, la dernière mouture du groupe semble proposer quelque chose de moins lo-fi qu’à leurs heures de gloire (relative). Jad Fair est cependant toujours muni d’une guitare playskool qu’il tord dans tous les sens pour faire venir des sons d’ailleurs, en phase avec son obsession pour la science-fiction qu’il semble tenir de Franck Black. Pourtant, en dépit des aspects gentiment grotesques de la performance, l’efficacité des power-chords et l’évidence des refrains sont indéniables. Après que Fair ait définitivement démoli son jouet, on filoche quand même rapidement vers la scène 1 pour ne pas manquer une miette de la suite.

djshadow

Le cultissime DJ californien, auteur du tout premier album entièrement basé sur des samples, a la solide réputation de bouder sur scène ledit album, Endtroducing… Le lecteur confirmera ou non ce que je qualifierai maintenant de rumeur, car ce soir une bonne partie du set piochera allègrement dans ce petit bout d’histoire. Caché dans un écran sphérique où sont projetés de superbes visuels psychédéliques, ce sont bien “Building Steam With a Grain of Salt”, “Long Stem” ou encore, en final triomphal, le fameux “Organ Donor” que DJ Shadow mixe librement pour les faire dériver vers des versions épileptiques proches du breakcore. Le public apprécie, encourage, s’enflamme tant et si bien que je me retrouve un peu ailleurs dans tous les sens du terme à la fin du set.
Après une courte vidange et un plein du gobelet, c’est exactement au même endroit que je reprends position, en respirant un peu plus puisqu’une bonne partie du public semble moins intéressée par la suite.

battles

Rien ne presse alors, puisque les membres de Battles resteront triturer leurs amplis bien après le début supposé de leur performance. Enfin débute l’expérience, plus ou moins symétrique de la précédente : là où Shadow usait de ses multiples samples pour recréer de toutes pièces des solos torturés de batterie, Battles déconstruit ses instruments traditionnels, les emprisonne dans des boucles inlassables après avoir patiemment disloqué leurs aspects organiques le temps d’une balance interminable et pointilleuse.
Manifestement, le groupe assume sans complexes le départ de Tyondai Braxton, et se contente de jouer les titres d’un nouvel album qui n’est même pas encore officiellement sorti. Exit les voix de hamster sous ecstasy, on se contentera des présences virtuelles de Matias Aguayo et Gary Numan sur les écrans qui bordent la scène. Qu’importe, le public enivré se contente des basses surmixées pour remuer les fesses, et les jeunes branchés crient très fort quand retentissent les premières notes de “Ice Cream” (le single déjà lâché sur le web) pour montrer qu’ils connaissent le groupe. Le début du set est d’ailleurs noyé de basse saturée mais, après un temps d’adaptation ou un réglage tardif, les claviers irrésistibles et cette façon unique de triturer les accords se font plus lisibles et le groupe fait honneur à sa réputation… même si on regrette que les “Atlas”, “Tonto” & co ne semblent plus amenés à faire partie de leurs prestations.

A ce moment-là, on comprend la douleur du newbie arrivé un peu tôt ; quatre heures de danses frénétiques, de basses exagérément surmixées et de gobelets renversés commencent à se faire sentir. On comprend alors aussi le choix du sponsor : après tout, un petit coup de Redbull et ça repart, les scènes électro où se succèdent des DJ sets assourdissants semblent en démontrer les vertus. Après l’emploi du temps millimétré, on passe tout de même un moment en mode dilettante et ça fait du bien.

En la traversant dans l’autre sens, la structure métallique révèle tout de même sous ses volutes de fumée, de sons et de lumières un arrière-goût d’inachevé. Entre les ruines repeintes en rose bonbon et les canettes violettes descendues devant les héros mineurs des quatre dernières décennies, on prend vraiment conscience qu’il y a une couille dans le pâté, sans pouvoir décider où exactement. Peut-être qu’on est trop vieux, ou trop jeunes. Ou peut-être que, éclaboussés des splendeurs de l’absurde, on se rend simplement compte qu’on sera toujours un peu les deux à la fois.

(crédits photographiques : http://www.nuits-sonores.com/)

liens :

Myspace de Fowatile (intégrale de l’EP)

DJ Shadow – I Gotta Rokk (son nouveau single)

Battles – Ice Cream (feat. Matias Aguayo)

Video reports de la nuit 1 : Officiel, Petit Bulletin

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Joan Baez au Summum de Grenoble le 8 avril 2011 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/3472/2011/05/31/joan-baez-au-summum-de-grenoble-le-8-avril-2011/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/3472/2011/05/31/joan-baez-au-summum-de-grenoble-le-8-avril-2011/#comments Tue, 31 May 2011 17:32:20 +0000 JPGP http://www.lesimmortels.com/blog/?p=3472 Joan Baez - photo © Pirlouiiiit 585 L'icône Hippie Joan Baez tâte encore du manche. Rapport de sa prestation grenobloise.]]> Joan Baez - photo © Pirlouiiiit

D’une autre artiste qu’elle on dirait à propos du retour de Joan Baez qu’elle s’économise. Mais ce serait méchant et presque gratuit. L’artiste américaine fait bien ce qu’elle sait faire dans le registre minimaliste ou plutôt spartiate qu’on lui a toujours connu. Et ça marche. Si l’Amérique l’oublie un peu elle garde ici ses groupies. Ils ont pris de l’âge et son concert grenoblois avait par certains côtés l’aspect d’un spectacle de la tournée “Age Tendre”… Toutefois la qualité demeure tant sur la qualité de la voix (même si les ans l’ont quelque peu usée) qu’évidemment sur le côté impeccable d’un répertoire où la violence de la grande époque était contrecarrée justement par une voix d’une douceur extrême. Elle faisait passer la pilule à la fois en l’atténuant mais aussi en l’exacerbant sur un autre registre.

Joan Baez - photo © Pirlouiiiit

Joan Baez reste pour une grande part une reine dont l’exil demeure sa patrie. Sa voix a « forci » un peu mais emporte toujours au firmament de ses images. Malgré le temps elle reste légère et flottante comme une fleur de coton. Certes pour notre part entre Peete Seeger et “la” Baez il n’y a pas photo. Le premier l’emporte à tout coup. Toutefois il convient de s’incliner devant la longévité de la seconde. Avec son amant de quelques jours (Dylan) elle fait partie de ces rares artistes qui résistent au temps sans être totalement désuets et momifiés. Qu’importe si le public vient chercher pour une grande part – via un exercice de pèlerinage – la nostalgie de ses utopies d’antant. De quoi d’ailleurs, s’il est lucide, se donner le blues face à ce que ses enfants ou petits enfants vivent aujourd’hui. Sur ce plan on attend encore le (ou la) song-writer du XXIème siècle capable d’engendrer ou tout au moins de cristalliser des révoltes nouvelles que Baez exprima dans son temps pour son public premier et fidèle.

Photos par Pirlouiiiit, avec son aimable autorisation.
La critique du concert marseillais (où on été prises les photos) sur ConcertAndCo.

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Rubik au Kraspek Myzik de Lyon, 7 novembre 2010 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2863/2010/12/15/rubik-au-kraspek-myzik-de-lyon-7-novembre-2010/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2863/2010/12/15/rubik-au-kraspek-myzik-de-lyon-7-novembre-2010/#comments Wed, 15 Dec 2010 10:54:27 +0000 JPGP http://www.lesimmortels.com/blog/?p=2863 De retour des USA le combo finlandais dégingandé est de passage en France.]]> Rubik est un groupe finlandais d’Indie Pop Rock. De retour des USA le combo dégingandé est de passage en France. Créé en 2003 il publie en 2005 People Go Missing d’emblée remarqué par les spécialistes. Complètement allumé le collectif ne déçoit pas sur scène, tant s’en faut. Dada Bandits – titre de leur dernier album dont la tournée sert à la promotion – définit bien le groupe. Il existe chez les Finlandais un véritable esprit dada speedé. Et Rubik expédie à une vitesse azimutée leurs morceaux crachés par une multitude d’instruments. Le rock est distillé pour procurer une ivresse immédiate. Il semble sortir autant de la nuit des temps que de celle plus reculée encore de leur Finlande.

Rubik Live © Raphaël Halfaoui

Le groupe recrée le rock des origines avec malice, folie et une forme de grotesque revendiquée comme telle. Elle peut faire trembler les trolls des plus obscures forêts au nord de Porvö dont les membres de Rubik sont issus. A tout instant le crash n’est pas loin. Certains spectateurs non prévenus ont du mal à suivre les propulsions du groupe tant il se plait à télescoper les styles. De la trompette on passe au piano, d’un morceau plus calme on se décale vers une perfusion de percussions. Les rythmes s’entrechoquent. L’énergie reste constante. Des titres tels que “Radiants”, “No Escape” ou encore “Wasteland” sont époustouflants en dépit de leur hétérogénéïté. Le show part en tous sens et selon une spontanéité irrésistible qui fait plaisir à voir et surtout à entendre.

Luttant contre l’uniformité et pour la diffraction un tel concert est une leçon de conduite loin des autoroutes sonores habituelles et de bien des sentiers battus. On erre dans la taïga, en ignorant toutes les frontières, en rejoignant la Bad Conscience Patrol, titre d’un de leurs précédents albums.

Rubik Live © Raphaël Halfaoui

Photos par Raphaël Halfaoui – Galerie Flickr

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Folk-Blues festival de Binic – 6, 7 et 8 août 2010 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2422/2010/09/25/folk-blues-festival-de-binic-6-7-et-8-aout-2010/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2422/2010/09/25/folk-blues-festival-de-binic-6-7-et-8-aout-2010/#comments Sat, 25 Sep 2010 11:35:02 +0000 Béroalde de Fuzz http://www.lesimmortels.com/blog/?p=2422 Qu'est-ce qui fait la réussite d'un festival ? Sans doute, une certaine inadéquation imprévisible entre une affiche, un lieu et un public, en accord avec le vieux précepte surréaliste de la rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection.]]> Qu’est-ce qui fait la réussite d’un festival ?

Sans doute, une certaine inadéquation imprévisible entre une affiche, un lieu et un public, en accord avec le vieux précepte surréaliste de la rencontre d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection. A ce titre, d’ici à ce que Vladivostok organise les prochaines rencontres internationales de la surf music ou que la grande fiesta du black metal se tienne à Ibiza, le Folk-Blues festival de Binic, fruit de l’association La Nef D Fous, mériterait à bon droit de trôner parmi les plus grands. A ces termes, certes, « folk-blues », « festival gratuit », « sur les quais », tout le monde grince et grimace, dans l’idée de soirées à la France-Culture fécondes en musicologues pathologiques à lunettes cerclées ou encore de bœufs-happening entre sosies de Francis Cabrel et simili-Paul Personne. Alors ?

De fait, on ne revient pas de ces trois jours de déambulation sans la persistante impression que le colis était piégé. En toute sincérité, cette enseigne « folk-blues gratuit », qu’était-ce d’autre qu’un plan subtil destiné à rassurer les subventions et appâter le chaland inconscient ? Car ce à quoi on a assisté sur les quais de Binic, aimable et microscopique port de plaisance des Côtes-d’Armor, à l’ombre du clocher de Notre-Dame-de-Bon-Secours, c’est à un véritable carnage punkoïde, sordide et dépenaillé.

Autant dire qu’il est des confrontations qui ne manquent pas d’un exquis piquant ; celle des foules aoûtiennes baguenaudantes de familles en short guidées par leurs caniches luisants, avec ces guitaristes échevelés du plus profond de l’Amérique, avouons-nous, nous a émus. Sans parler des mélanges incongrus dans le public – midinettes à paillettes, branleurs du coin et vacanciers replets d’un côté, de l’autre le carré des spécialistes en rouflaquettes (rockab’ gominés, psychos tatoués ou sixtiseux tatillons, hantant le quartier général du Chaland Qui Passe) – mélanges qui prenaient des allures de chocs des civilisations. Mentionnons parmi mille exemples les deux mariages du week-end, rythmés par les balances des Black Diamonds Heavies ou Henry’s Funeral Shoe ; les demoiselles d’honneur auront apprécié.

On aura donc très authentiquement vu des septuagénaires twister sur du beat anglais, et des couples de retraités siroter stoïquement leur glace italienne face à ces mêmes Black Diamond H. qui, beuglant à s’en damner “Baby take a ride with meeee” menaient des rombières peinturlurées à ébullition. Le garage à la portée du grand public, le monde adorant le vrai et seul rock’n roll : un rêve a pris forme.

Binic Folk Blues festival - Black Diamond Heavies

Saluons aussi l’ingénieuse organisation : sur les deux scènes disposées d’un bout à l’autre de la rue, les artistes ont alterné, revenant chaque jour dans un ordre différent, ce qui permettait à tout un chacun, en vaquant gaiement, de se composer son petit programme … et de réécouter à loisir, trois ou quatre fois Becky Lee, par exemple.

Entre deux sauts sur la coquette plage semée de naïades en maillots rétro à pois, et une contemplation du couchant au bout de la jetée romantique, il était loisible de trépider, galette de sarrasin en main, gobelet de Coreff dans l’autre, sur pas mal de rythmes d’une lourdeur infernale. Comme celui, cryptique, des Magnetix bien déchaînés, qui dans l’esprit toujours aussi fun de leur univers de super-héros, ont déployé une belle panoplie de sauts de cabri et gonflement de joues. A noter, l’excellent son, constant au long de ces soirées (qualité trop rare en ces manifestations de plein air pour ne pas être soulignée), a valorisé leurs empilements outranciers de couches de fuzz, sur « Mort clinique » ou « Drogue électrique ». Ou encore, on pense au psyché-blues motörheadien de Henri’s Funeral Shoe. L’énergie assez phénoménale du freluquet à mèche officiant comme batteur n’a pas manqué de surprendre, et le chanteur-guitariste, non content de maçonner plein pot des tombereaux fuligineux de vibrations spatiales au bottleneck, est un parfait sosie chapeauté du Monty Python Michaël Palin, ce qui lui assure toute notre sympathie. Autre groupe relativement extérieur au blues, Hipbone Slim alias Sir Dald Diddley, militant classieux du rockabilly, a déployé une large palette de styles : de Bo Diddley à un beat nerveux à la Sorrows, en passant par un rock’n roll très anglais dans la veine de Johnny Kidd, tendu et parfois même menaçant. Si l’on pouvait, à la rigueur, déplorer un relatif manque de rugosité virant à l’occasion au pastiche consensuel (le final en forme de kermesse, presque embarrassant), maître Hipbone Slim, sémillant pince-sans-rire au français délicieux, peu avare en roulades, a gardé la classe tout en se rendant accessible à un public pour le moins hétérogène : œuvre noble de vulgarisation.

Binic Folk Blues festival - Henry's Funeral Shoe

Le même sentiment ambivalent, partagé entre admiration sincère pour le brio instrumental, et vague réticence envers la propreté du son, a été suscité par les Mama Rag. Duo aux allures de vieux couple pastoral impassible et avenant, ils ont interprété des standards du blues rural profond, avec virtuosité, impeccable conviction et goût irréprochable. Ne manquaient, dans leur étonnante série d’instruments, ni planche à laver ni rythmique à coup de cuillers. Ne chipotons pas, nul dans l’assistance n’a boudé son plaisir face au plus beau des blues. La caution folk, elle, a été endossée par James Hutchings… si tant est qu’on puisse qualifier ainsi ce vaporeux brouet acoustique. Amusant dépaysement, anomalie en forme de parenthèse anodine au milieu d’une tornade de sauvagerie crasse, un anticyclone estampillé RTL2 a donné l’impression de passer sur les quais. Soyons clairs : nous autres, dégénérés garage-punkers, ne sommes pas tout à fait des brutes avinées et sans cœur. Il nous arrive d’éprouver des sentiments entre deux riffs de fuzz, et nous ne crachons pas d’avance sur toute tentative de délicatesse. Mais quand un monsieur prétend œuvrer dans la mélancolie raffinée, l’on en droit d’attendre des chansons. Or, des chansons, ici, nous n’en avons point ouïes.

Foin de notre mauvaise foi et non moins mauvaise langue : en somme, le Binic folk-blues festival n’a pas totalement usurpé son nom. Néanmoins, sa véritable unité était plutôt à chercher du côté du dépouillement. A l’exception d’Hipbone Slim, ne se bousculaient en effet que duos et one-man-bands. Et ce sont ces derniers qui ont le plus haut porté l’étendard ravagé du blues-punk hirsute et sans moralité.

Du nantais Birds Are Alive, on dira qu’il a incarné la promesse. Ce jeune blanc-bec tout de nonchalance dégingandée possède un son granuleux, une guitare clinquante et bondissante, et, détail non négligeable, des chansons, lui. S’il doit encore gagner en assurance et peaufiner un grain de folie indispensable à l’artiste solitaire, il n’en demeure pas moins que l’on a rencontré quelqu’un sur qui il va falloir compter.

Les triomphateurs ? Ils sont au nombre de trois.

L’inénarrable Blake (Shake It Like A Caveman), déjà consacré, à la précédente édition, parrain du festival. Véritable machine à boogie, avec sa gueule de surfer et ses pantalons zébrés, il fait gicler de son bottleneck fébrile et de ses cordes claquantes, du proto-John Lee Hooker gospel-punk en boucle pendant des heures, remettant ça en after sur les terrasses des bars biniquois, en grand roi munificent du Tennessee, jusqu’à mener les danseurs au bord de l’auto-lobotomie. L’avenir du blues. Génial.

L’égérie inoubliable restera la très-sublime one-woman band Becky Lee accompagnée de son batteur Drunkfoot (oui, son pied ; pas si approximatif qu’elle le prétend, d’ailleurs). Séduisant l’ensemble du public, hommes, femmes, nourrissons, de toute la timidité de sa grâce éméchée, outre ses compos rugueuses et lumineuses à la fois, dont les anglophones assurent que même les textes valent le détour, elle chante, voix profondément sudiste, comme une Janis Joplin veloutée, syncopée et soyeuse, joue guitare et batterie complète avec baguette coincée entre les doigts, mais surtout brise les cœurs par paquets de cent avec ses yeux d’eau claire timidement baissés et ses pommettes rosissantes se détachant sur son teint de lys. Becky, si tu lis jamais ces lignes, sache que Béro t’attend toujours. Mais sans plaisanter : quand elle gratte à peine un brin de corde, et laisse sa voix prendre tout son essor, une chanson comme « Old-Fashioned man » rayonne de la force fragile et l’évidence bouleversante d’un classique des années 40 ou 50. Révélation foudroyante, nous n’avons pas fini de t’aimer, ô Becky.

Binic Folk Blues festival - Becky Lee

Enfin, pour revenir aux duos, décernons une couronne. Le meilleur groupe de la planète s’appelle, et nul ne doit l’ignorer, les Black Diamond Heavies. A deux, ces gars, déjà notoires, font plus de bruit que la totalité du Hellfest. Il faut imaginer un batteur fou à qui on jurerait voir quatre bras et quatre pieds. Il faut imaginer un texan à gueule de second couteau du western spaghetti, fumant comme un pompier, en train de jouer sur un orgue saturé aux sonorités d’orchestre indus-metal, et de vociférer, d’un organe qui ferait passer Tom Waits pour une jouvencelle prépubère, des hymnes volcaniques free-blues-garage aux crescendos dignes de l’Armageddon. Ils ont déversé sur une foule ahurie et terrassée un magma caverneux et rutilant, méphitique, entre Ray Charles et Teenage Jesus and the Jerks, entre Louis Armstrong et CNK, attablant pour un poker chimérique AC/DC, Ornette Coleman, Mötorhead et Screamin’ Jay Hawkins. Cette performance sans répit, marécageuse, tendue et superbe – ces ballades à fracasser le cœur ! –, certes peut-être pas aussi furibarde que dans d’autres occasions, a manifesté néanmoins une rare densité.

Oui, l’espace d’un week-end, la France vacancière aura swingué au sein d’une avalanche blues-punk, sous le ciel marin et les cris des mouettes, dans les senteurs troubles des ulves et des goémons, drapant la Statue de la Liberté aux couleurs de la Bretagne : belle réussite d’une valeureuse entreprise, à qui nous souhaitons vaste pérennité.

Béroalde de Fuzz alias Captain Beyond

Ndla : Merci aux compagnons festivaliers dont la précieuse compétence musicologique a nourri cet article : Ratel l’incomparable érudit toujours prêt à partager fromage et saucisson, Urizen et sa joviale tribu. L’adjectif « cryptique », appliqué aux Magnetix, est sous copyright Teenagegraveman.

Ndlr : Merci à Béroalde de Fuzz et PlanetGong pour avoir accepté de partager cet article, et merci à Headsucker pour les photos !

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Fever Ray @ Paris, l’Olympia – 9 septembre 2010 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2405/2010/09/19/fever-ray-paris-lolympia-9-septembre-2010/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2405/2010/09/19/fever-ray-paris-lolympia-9-septembre-2010/#comments Sun, 19 Sep 2010 12:05:24 +0000 Daphné http://www.lesimmortels.com/blog/?p=2405 fever-ray_live_585 Fever Ray joue aux ombres suédoises sur la scène de l'Olympia. Envoûtant.]]> Certains soirs, peut-être par l’influence de certains astres opposés mais alignés, peut-être par le fruit du hasard, ou peut-être parce que l’imagination va loin, il semble que les mariages d’éléments contradictoires soient plus propices. Aussi, le 9 septembre dernier était placé sous le sceau de l’oxymore, dont l’exemple le plus célèbre, ie “cette obscure clarté” tiré du Cid de Corneille, ne pouvait trouver meilleure illustration. Alkayl en faisait part dans sa chronique de l’album, Fever Ray ne s’épand que sur les deux tonalités noire et blanche, parfaitement opposées mais pourtant souvent indissociables. Sur scène, cette bichromie au large spectre est encore plus flagrante et troublante.

Fever Ray live 01 - photo © aixcracker

Paradoxalement, le coup de grâce de la soirée est arrivée en première partie. Zola Jesus, petit bout de femme d’à peine plus de 20 ans, fait payer le prix de sa jeunesse au public. La scénographie est absente, la voix souvent fausse, l’ambiance plaquée au sol. La musique minimaliste et aux sons répétitifs ne convainc pas non plus, déchire même les tympans malgré sa modeste tenue (une boîte à rythmes, un synthé et une voix). La jeune fille le sait. Elle se perd dans sa prestation, comme si elle était seule, fait les 100 pas, s’ennuie, et fuit rapidement en glissant un “merci” glaçant.

L’inconvénient de l’Olympia, en tout cas ce soir-là, est de ne pas posséder de rideaux. La mise en scène de Fever Ray sera donc dévoilée au fur et à mesure qu’elle sera installée sous nos yeux. Le staff installe donc des lampes, partout. Pas très parlant pour l’instant ; mais c’est sous-estimer la surprise. La salle s’éteint, la fumée l’envahit et la parfume d’encens. La brume est épaisse. Des balcons, on ne voit plus la scène et la fosse, à peine les murs.

L’introduction est d’ordinaire brève, mais c’est oublier que Fever Ray aime les ambiances. Des percussions tribales s’élèvent dans le noir, et durent plusieurs minutes.  Le début de “If I had a Heart” démarre et semble ne pas vouloir finir ; les lampes s’allument enfin, fantômatique, au milieu des fumées. Pourtant, aucune lumière ne se diffuse. Aucune silhouette humaine ne se dessine. Le son enveloppe la salle dans une rumeur lourde et sombre et le spectateur n’a plus aucun repère, comme dans un rêve – ou un cauchemar – qui refuse de se dissiper.

Peu à peu, le brouillard se lève, révélant lentement des corps. Un percussionniste d’abord. Un xylophoniste, puis un claviériste, et un guitariste. Le groupe évolue comme des ectoplasmes au coeur des marais humides et hantés de Scandinavie, ou peut-être comme des zombis ramenés dans le bayou par un quelconque rituel vaudou. L’un des musiciens a une épée plantée dans le dos, un autre une robe de moine. Au centre de la scène, loin derrière, une masse informe se détache doucement au milieu des faibles lampes. C’est Karin, vêtue d’une toge large et d’un immense chapeau faisant penser à un abat-jour éteint. Abat-jour. Qui abat le jour ; qui tue la lumière. Toujours dans l’obscurité malgré l’omniprésence de lampes, le groupe se faufile entre les moindres rais lumineux, lesquels n’arriveront presque jamais à les effleurer. La lumière semble mourir avant de les toucher.

Fever Ray live 02

La mise en scène léchée et minimaliste parviendrait presque à faire oublier la musique. Celle-ci est partiellement jouée en playback. Les chansons, rarement différentes des versions album, ne sont ici enrichies que d’une guitare torturée, de percussions, d’un xylophone et d’autres instruments exotiques. La voix de Karin est parfaitement maîtrisée, de même que ses mouvements sont comptés. L’album sera intégralement joué, agrémenté de quelques morceaux bonus (”Here Before” et “Stranger than Kindness” apparaissant sur la version bonus du disque), et d’une reprise de Peter Gabriel.

Il ne fallait pas venir et s’attendre à une fête. On était plus proche de la messe noire, du rituel d’envoûtement et du sacrifice de petits animaux à plume que du réel spectacle de music-hall. Les fans et habitués de The Knife et de leurs concerts mystiques y étaient préparés. Ceux qui savaient que l’album de Fever Ray puisait sa source dans la dépression post-partum de Karijn, et n’existait que comme alternative au suicide, s’y attendaient. Mais une grande partie du public parisien n’a pas compris la démarche.

Photos © Aixcracker

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Roken is Dodelijk @ Rock en Seine, Saint-Cloud – 27/08/2010 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2314/2010/09/03/roken-is-dodelijk-rock-en-seine-saint-cloud-27082010/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2314/2010/09/03/roken-is-dodelijk-rock-en-seine-saint-cloud-27082010/#comments Fri, 03 Sep 2010 18:24:44 +0000 JPGP http://www.lesimmortels.com/blog/?p=2314 Au milieu des grands noms, un petit groupe lillois a fait bonne impression.]]> Roken is Dodelijk @ Rock en Seine - photo Alain G.Photos de Roken Is Dodelijk à Rock En Seine par Alain G.

Sous un nom énigmatique et néerlandais se cachent 6 lillois résidants de la Malterie et découvertes du Printemps de Bourges en 2008. Ils ne respectent en rien l’injonction de leur patronyme à savoir : “fumer tue”. Preuve que le groupe ne manque pas ni de distance ni d’humour. Il nous permet d’entrer dans un univers musical à la Jim Jarmusch et à la Jim Morrison. « Coffee and Cigarettes » restent en effet des mots clés de ceux qui cultivent un romantisme très saturnien mais illuminé toutefois d’éclaircies et des pointes d’allégresse. Au carrefour de routes divergentes leur Indie-Pop mixe, disent certains, Nick Drake et Belle and Sebastian. Ce n’est pas faux car l’alchimie astucieuse de Roken is Dodelijk ne renonce jamais au mélodique. Elle est pimentée d’instruments inattendus : clarinette, stylophone, glockenspiel, orgue se mêlent à la trilogie de base guitare, basse, batterie. Et les voix féminines et masculines alternent dans ce rock pop qui renoue avec le rock et la pop des années 60 (l’influence des Animals et de Donovan est perceptible).

Roken is Dodelijk @ Rock en Seine - photo Alain G.Photos de Roken Is Dodelijk à Rock En Seine par Alain G.

Mais ce qu’on retient de ce groupe reste sa puissance scénique. Il est vrai qu’il a déjà de la bouteille et a partagé des scènes avec Nosfell, Stuck In The Sound, Danielson, Tryo (personne n’est parfait…), Elvis Perkins, Akron Family. On sent chez Roken is Dodelijk un plaisir du show dès que le stress de départ fait place à une décontraction fruit d’un long travail de maturation. Le groupe existe depuis 2006 et l’on comprend mal qu’il n’ait à leur actif en production qu’un EP autoproduit, R.I.P. Sur CD comme sur scène le groupe sort des simulacres et projette chaque morceau de manière à le faire circuler comme un fantôme et un fantasme. Le live devient le parfait porte-empreinte d’une musique non seulement audible mais visible. Dans le frémissement de l’espace de la scène, au moment privilégié du concert s’atteint ce que Platon nommait le « chôra ». A la fois une pulvérisation du temps à travers le son et l’image. Car si par essence la musique meurt dès qu’elle naît sa poussière reste souffle. Et la puissance visuelle du groupe le renforce.

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Owen Pallett @ Paris – La Villette, 01/06/2010 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2090/2010/07/17/owen-pallett-paris-la-villette-01062010/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/2090/2010/07/17/owen-pallett-paris-la-villette-01062010/#comments Sat, 17 Jul 2010 14:05:58 +0000 JPGP http://www.lesimmortels.com/blog/?p=2090 Owen Pallett live - photo Andrew Carver Il y a belle lurette qu’à La Villette on ne tranche plus le lard. On fait mieux. Comme en témoigne le festival annuel Villette Sonique.]]> Owen Pallett live - photo Andrew Carver Il y a belle lurette qu’à La Villette on ne tranche plus le lard. On fait mieux. Comme en témoigne le festival annuel Villette Sonique. Il a permis cette année de découvrir en France le canadien Owen Pallett. Ce musicien est une révélation, comme le prouvait son album pop symphonique sorti en janvier 2010 Heartland. Musicien classique de formation, arrangeur pour des groupes indie et non des moindres (Arcade Fire par exemple), Owen s’est présenté sur la scène de La Villette seul ou accompagné pour certains sets par un guitariste et percussionniste inconnus mais sacrément doués.

Posté devant un échantillonneur il a reconstitué de manière géniale le son d’un orchestre de cordes au son cosmique, ébouriffant et grandiose. Il s’en sert de manière paradoxalement antithétique à ce qu’on pourrait en attendre. Sur ce son cosmique il plaque sa voix frêle mais prenante. Elle se met parfois au service d’un minimalisme désincarné qui métamorphose la pop basique en mélodies élégiaques. Cela n’empêche pas – au contraire – une énergie rock d’une rare puissance : elle éclate là où les cordes synthétisées trouvent une sorte de puissance rythmique insoupçonnée.

Le temps du concert devient ainsi celui de l’entre-deux, de l’entre-temps et permet de faire vivre cet “entre”. Y défilent des moments de vies inconnues à coup de traces sonores aux reflets mystérieux. Tout est suspendu entre départ et arrivée dans une version sonore d’un voyage en TGV. Il est rare d’être aussi surpris et saisi par un concert même dans un haut lieu de l’électro comme l’est Villette Sonique. Face à Owen Pallett, les Young Marble Giants de même qu’Arto Lindsey parurent bien pâles et dépassés en dépit pourtant de musiques parfois bluffantes et décalées.

Photo © Andrew Carver – National Capital Rock – http://www.natcaprock.blogspot.com

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She & Him @ L’Alhambra, Paris – 29/04/10 http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/1705/2010/06/11/she-him-l%e2%80%99alhambra-paris-290410/ http://www.lesimmortels.com/blog/chronique-musicale/1705/2010/06/11/she-him-l%e2%80%99alhambra-paris-290410/#comments Fri, 11 Jun 2010 15:10:50 +0000 JPGP http://www.lesimmortels.com/blog/?p=1705 Zooey Deschanel quitte les plateaux de cinéma pour la scène parisienne de l'Alhambra. ]]> Les duos fille + garçon forment une légion dans l’histoire de la pop à commencer par Sonny & Cher ou Ike & Tina Tuner. Côté réussite existentielle ces couples ne furent pas des modèles du genre mais question musique le pli était donné. On a pu rencontrer dans les formations duales le meilleur (White Stripes, The Do ou plus récemment les excellents Australiens Angus & Julia Stone) et le pire (par charité chrétienne on ne citera personne…).

She & Him font partie de la première catégorie. « She » plus connue sous son vrai nom de Zooey Deschanel est aussi (ou surtout) une actrice très à la mode aux USA. Elle incarne Kat dans la série TV Weeds et on l’a vue dans H2G2 ou 500 Jours Ensemble. Mais tout comme sa consœur Scarlett Johansson elle possède une voix assez rare. Elle écrit aussi de beaux titres gonflés de soleil west-coast. Avec le musicien folk M. Ward elle a fondé un groupe à la fois inspiré et prenant. Après Volume One déjà très remarqué, le groupe vient en concert à Paris pour la promotion de son second opus Volume Two (label Domino, Pias). Au niveau de leurs titres les albums ne sont guère originaux : leur musique à l’inverse étonne. La bonne surprise des enregistrements studios se confirme par la prestation scénique du groupe plus remuant qu’on pouvait le craindre et très affûté. Il y a là plus qu’une pop-folk modernisée. L’ambition dépasse ce cadre dans lequel bon nombre de groupes croupissent.

Échappée des plateaux de tournage She donne une éblouissante prestation. Elle l’a rodée avec un autre acteur chanteur, Jason Schwartzman, dont on avait parlé ici même pour son premier album Coconut Records dans lequel She prêtait sa voix. Mais c’est grâce à She & Him que l’actrice interprète et compositrice a vraiment osé le pas. Après sa rencontre avec M.Ward pour l’enregistrement d’une reprise d’un morceau de Richard et Linda Thompson à l’occasion de la bande originale du film The Go-Getter où elle tenait le premier rôle, l’actrice a envoyé en Oregon où vit Ward ses compositions. Le producteur a trouvé là du grain à moudre. D’autant qu’il a découvert aussi dans la voix de Zooey un autre grain. Celui-ci est capable de réveiller chez l’auditeur tous les fantasmes des trips californiens côté plage comme côté déserts aux arbres de Josué.
Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les boucles en cascade du meilleur titre de Volume Two et un du meilleur moment du show : « Home ». Le charisme de l’artiste fait le reste. Toute la Californie est là et on y croit à fond. Car chanter son pays n’a pour She rien d’une posture. Dès qu’elle dut quitter cet état en raison des déplacements familiaux, elle a cultivé une nostalgie à son égard. Elle se distille dans une vision romantique qui émerge en images sonores mises en scène visuellement pour ses concerts. Entre deux brouillards le soleil vibre comme il semble filtrer des yeux de l’artiste entre joie et tristesse.

Pour l’album comme pour le show M.Ward (qu’Alain Bashung avait été chercher afin de jouer des partitions guitare sur Bleu pétrole) a quitté son registre purement folk afin d’oser des incartades. Il n’est pas sur ce plan à des coups d’essais. Pour CatPower, Beth Orton ou Monsters Of Folk il les a pratiqués. Mais ici cela devient un coup de maître. Suffisamment caméléon, en bon professionnel M. Ward apporte à She le contrepoint nécessaire à son numéro de princesse.

Son parfait, lumière soignée, tout est là pour faire d’une telle soirée un plaisir des sens visuels, auditifs et presque kinesthésiques. Et soudain le côté romantique un peu mièvre des personnages que She incarnent au cinéma se transforme dans le show. Il prend du relief. L’artiste devient quasiment l’opposée de l’égérie fadasse de ses incarnations cinématographiques. La demoiselle se change en démone et en esprit frappeur. Ce qui ne l’empêche pas de se permettre et de proposer des douceurs enjôleuses. Le public marche, il se laisse séduire. Car même les plus durs des durs ont toujours un côté fleur bleue.

Et quand l’artiste offre en sus des reprises de Smokey Robinson, des Beatles, de NRBQ et de Skeeter Davies, ceux qui n’ont pas encore fondu finissent en caramel plus mou que mou. Preuve que She et Him osent tenter sur scène comme en studio des expérimentations réussies. C’est aussi la preuve d’un grand professionnalisme. Il donne à une prestation scénique l’impression que chaque soir on improvise et que le concert que l’on vient de voir est et restera unique.
She & Him

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