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Tarja – Colours in the Dark (2013 – Ear Music)

Si tout le monde se souvient avec une certaine émotion du renvoi cavalier de la frontwoman de Nightwish, un jour de 2005, on ne peut s’empêcher de penser aujourd’hui que c’était probablement la meilleure chose qui pouvait arriver à Tarja, cette chanteuse de formation classique que rien ne prédisposait à la base à devenir l’une des figures vocales les plus populaires du heavy metal, tant elle a su s’imposer en solo non plus comme une simple interprète vocale mais comme une artiste à part entière, dévoilant un talent insoupçonné de songwriting ainsi qu’une capacité à s’entourer des meilleurs producteurs, compositeurs, musiciens…

Tout en multipliant les collaborations (citons par exemple : Scorpions, Schiller, Angra, Mike Oldfield, Lisa Gerrard…), les projets parallèles (citons l’excellent projet néo-classique assez expérimental Harus qui a accouché en 2011 d’un album live) et les apparitions sur la scène classique, Tarja enchaîne également les albums solo avec brio. Chacun étant une nouvelle étape vers l’affirmation de son style propre, en marge de tous les clichés du metal symphonique. Si son premier album, Henkays Ikuisuudesta, était en majorité composé de reprises de standards pop et de célèbres airs classiques, elle revient dès 2007 avec My Winter Storm au genre qui avait fait sa renommée : le metal symphonique tout en évitant avec brio de tomber dans une sorte de remake solo de Nightwish, posant dès lors les bases de son univers, un mélange de classique et de metal saupoudré d’influences pop, electro et indé. What Lies Beneath, en 2010, lui permettait d’affiner son style et son univers musical, notamment en s’impliquant davantage dans la composition des morceaux.

Tarja_Colours In The Dark_press pictures_photo credit Eugenio Mazzinghi_1 (2)

Colours in the Dark est donc une nouvelle étape. Si on retrouve divers éléments musicaux déjà présents dans ses précédents albums, Tarja n’hésite pas à aller plus loin, à prendre des risques, à dessiner de manière plus précise sa vision musicale personnelle, s’éloignant encore davantage des clichés du metal symphonique. D’ailleurs, si le côté orchestral est toujours présent, il serait réducteur de parler de cet album comme d’une nouvelle production à ranger dans la case « metal sympho » tant les éléments musicaux composant cet album sont divers et variés. L’orchestre, qui intervient par moments n’est pas prédominant sur tout l’album au cours duquel on peut entendre des inspirations electro, ambient, metal, rock indé… mais aussi bien évidemment classique !

Peignant toute une palette de couleurs musicales et émotionnelles, comme le suggère le titre de l’album, Tarja alterne entre des séquences dramatiques et des passages volontairement barrés, décalés. Intégrant sur des morceaux globalement assez longs des sonorités psychédéliques ou encore des nappes sonores mystiques, faisant voyager l’auditeur vers des terres inconnues. En mixant tous ces éléments, la diva nous conduit ainsi plus vers un univers musical lorgnant presque plus sur le prog que sur le metal sympho, d’autant qu’elle n’hésite pas à surprendre en alternant les changements de rythmes et d’ambiances au sein d’un même morceau.

Si tout cela aura peut-être de quoi dérouter un public habitué aux productions assez formatées du genre « metal sympho à chanteuse », Colours in the Dark sait néanmoins séduire par ses mélodies soignées et son élégance. D’autant que certains morceaux pourront rassurer un public en quête de mélodies efficaces tels que l’excellent « 500 Letters », potentiel hit en puissance, ou encore le très orchestral « Deliverance ». « Until Silence » ravira certainement tous les amateurs de chansons puissamment émotionnelles, cette unique ballade de l’album étant d’ailleurs probablement une des plus belles et touchantes que Tarja nous ait offert, évoquant la beauté limpide de certains de ses morceaux comme « Naiad » ou encore, plus récemment, la très ambient « Never Too Far » avec Mike Oldfield.

Citons au passage une excellente reprise du « Darkness » de Peter Gabriel, le détonnant « Victim of Ritual » en ouverture avec ses emprunts au « Boléro » de Ravel ou encore l’exquis « Medusa » qui conclut l’album avec ses élégantes sonorités orientales.

Enfin, un album de Tarja, c’est aussi une voix, bien évidemment. Et force est de constater que sur ce nouvel opus, la bellle finlandaise (désormais domiciliée en Argentine) nous livre probablement sa meilleure prestation vocale ! Car jamais sa voix n’aura été aussi maîtrisée, naviguant entre les styles avec autant d’aisance. Là où encore, sur ses précédents albums, on observait souvent une rupture entre les séquences où elle faisait appel à une technique de chant plus pop et une technique plus classique, ici, sa voix navigue avec une fluidité remarquable sur les morceaux. Si en chant classique, on ne cesse de progresser et de travailler sa voix et que donc, on peut probablement s’attendre à de nouvelles prouesses vocales à l’avenir, sur Colours in the Dark, on peut vraiment observer une sorte de consécration de sa technique vocale, à mi-chemin entre pop et classique, tout en réussissant à véhiculer beaucoup d’émotion.

Avec cet album, Tarja continue d’évoluer et si on sent qu’elle n’a pas encore accouché de l’album ultime, on la sent tout à fait capable de continuer d’avancer, d’inventer, de surprendre et de se surpasser ce qui ne laisse augurer que le meilleur pour la suite de sa carrière. Colours in the Dark finit d’achever et d’enterrer le statut de « chanteuse de Nightwish », Tarja a réussi haut la main le pari pourtant difficile de s’assumer et de s’accomplir totalement en tant qu’artiste solo et de se faire un nom, loin du groupe qui a lancé sa carrière. De là à dire qu’elle a dépassé Nightwish artistiquement, il n’y a qu’un pas. Tout petit. Et si il faudra peut-être un temps d’adaptation pour apprécier pleinement cet album qui risque de dérouter les fans, généralement assez jeunes, de metal sympho, Colours in the Dark a tous les atouts pour séduire un public plus large mais aussi plus âgé.

Tarja_Colours In The Dark_press pictures_photo credit Eugenio Mazzingh_3 (2)

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  1. Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?