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Interview partie 2 : Fanny et la Faunesse Mécanique

(partie 1)

Alkayl : Tu es sortie de ta caverne, mais tu y as gagné des sabots et des cornes. Peux-tu résumer la genèse du projet, caractérisé non seulement par sa musique mais également par son aspect visuel et scénique ?

Fanny : Pfffff alors là… par où je commence ?

Le personnage de la faunesse est né de prestations médiévalo fantastiques à l’époque où Joël (mon époux) et moi faisions partie d’une troupe d’évocation médiévale et où nous participions à des animations de fêtes. Le personnage est resté, mais il a évolué, déjà avec Eve, sur la fin et puis avec les musiciens de la première mouture de ce qui aura été La Faunesse mécanique plus tard.

Tout à commencé par une soirée pirate où il y avait besoin de musiciens pour faire du “piano bar” dans la partie taverne. Il a donc fallu trouver des musiciens, et monter un simili répertoire. Finalement l’un dans l’autre nous n’avons pas fait cette soirée, mais une autre “steampunk vs pirates” aux Caves St Sabin. On a fait ça dans l’urgence, et le résultat était pas vraiment terrible.

Mais l’envie de jouer ensemble est restée.

A l’époque on s’appelait Trio D’Épinal, à la fois en référence aux images d’Épinal (file la métaphore à tous les niveaux et degrés que tu veux, ça marchera tellement on était dedans… en plein grotesque !) et au nom de la harpiste qui nous avait prêté son répertoire pour l’occasion. Et tout est vraiment parti de là.

Ensuite, on a eu une nouvelle date en comité très restreint pour animer le vernissage d’une exposition de mes tableaux (oui, ensuite, j’ai raccroché mes pinceaux sauf pour les visuels de la Faunesse) Nous nous sommes retrouvés dans l’univers steampunk qui commençait à avoir le vent en poupe. Il nous a donc fallu créer un univers et une histoire.

Franchement je te parlerai pas en détails du fond parce que ça prendrait des jours et qu’on s’y perdrait, mais disons que nous avons brodé autour du postulat de Pierre Joseph Proudhon : “Pan est mort. la société tombe en dissolution”. Réécoute le de l’album : c’est une mise en écho de deux voix : celle de Proudhon et une autre, plus « universelle », à travers un texte d’Eugény Couture que je trouve toujours très émouvant.

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Alkayl : N’est-il pas frustrant d’enregistrer un album en amputant de fait une grande partie de l’aspect scénique et visuel ? Comment ont été impliqués les membres dont le rôle était moins “musical” durant les enregistrements ?

Fanny : Houlà ! Ze question, mais non en fait.

Tout le côté visuel et tout m’a très souvent paru comme une sorte de cache misère, un joli vernis, et pour tout te dire, ça m’a surtout pesé.

Parce que ça se développe un univers, et ce n’est pas, mais alors pas du tout mon créneau.
En plus, quand tu es autodidacte, c’est un peu comme si tu devais « inventer la roue » à chaque chose que tu entreprends, et c’est épuisant.

La difficulté majeure dans ce groupe a été que chacun trouve sa place et/ou la prenne.

A la base et dans l’idéal, vu le potentiel de ce projet, j’aurais souhaité que ce soit une sorte de laboratoire pluri disciplinaire et autonome. Le groupe était composé de musiciens multitâches pour certains, d’une danseuse qui était aussi assistante de projets (je ne connais plus le terme exact) pour des boîtes d’animation. Lionel était à la fois pluri-instrumentiste et technicien du son (c’est d’ailleurs à deux qu’on a fait le plus gros de l’”habillage” sonore de l’album).

Mais le problème majeur d’un projet “avec du potentiel” et plein de gens qui se greffent autour, c’est que ça devient vite le bordel. En fait ça l’a été dès le départ.

Je ne développerai pas vraiment, si tu veux bien, mais pour parler simplement de moi, j’ai été catapultée “leader” alors que je n’étais ni prête ni armée.

J’ai donc fait toutes les erreurs, suis tombée dans tous les pièges. Et malgré tout, les autres ont continué, autan qu’ils l’ont pu, à me suivre. Et là, je dis : « chapeau les amis, et merci ! »

Certains membres sont partis, d’autres sont venus, et on a cru à un possible re-départ. Et puis l’usure aidant, ça ne s’est pas vraiment fait.

Le plus sage, (je parle toujours pour moi) était donc de mettre fin à cette aventure, et de tourner une page pour laisser la place à autre chose. La preuve en est que les autres membres ont tous plus ou moins rebondi sur d’autres projets. Je ne te dirai pas lesquels, je n’en sais trop rien et cela ne me concerne plus, mais ce n’est pas grave.

Là aussi ce fut une sacrée aventure. Ce que je retiens de l’expérience Faunesse Mécanique, c’est que la métaphore du passage a été filée de bout en bout et à tous les niveaux.
C’est une réflexion très personnelle, mais j’ai toujours eu la sensation d’être de passage dans la vie des gens, et c’est sûrement pour ça que viennent vers moi des gens en phase transitoire ; dans leur vie personnelle, leur carrière etc.

Ce fut le cas pour ce projet.

Et n’exister que le temps de naître, c’était peut être d’ailleurs bien ainsi, pour certains d’entre nous… je ne saurais dire.

En tout cas une chose est sûre pour moi, c’est qu’une telle aventure, surtout quand c’est la première, on n’en ressort pas tout à fait indemne.

J’y ai laissé beaucoup, et y ai appris beaucoup…

Alkayl : Avant de fermer ses portes, le laboratoire musical qu’aura été La Faunesse Mécanique a donné vie à un album et un mini-album. Peux-tu revenir sur leur conception ?

Fanny : Oui alors pour les deux, je dirais : réalisés dans l’urgence.

La toute première mouture du premier album (oui car il en existe deux versions dont seule la deuxième été diffusée) je l’ai assemblée (un peu comme des légos) à partir de pistes de harpe déjà existantes et d’accompagnements enregistrés au zoom.

J’ai dû faire ça en une dizaine de jours sur Audacity et alors que jamais de ma vie je n’avais touché à un logiciel de son.

Fanny : Il faudrait que je réécoute, maintenant, mais ce que j’en garde, c’est quelque chose de bien bien sombre, utérin et d’une poésie angoissante.

En gros, on était à l’intérieur de la Faunesse mécanique enfermée dans le laboratoire et entre deux phases d’éveil. Brrrrr ! j’aurais pas aimé être à sa place

Ensuite il a fallu faire un produit un peu plus “abordable” pour les oreilles du commun des mortels. On a donc refondu la matière première et refait l’habillage sonore avec de la musique dans le studio de Lionel.

J’ai adoré bosser en studio. On avait certes des contraintes, mais en rencontrer, c’est un peu comme danser entre des chaînes.
Et c’est dans la danse qu’on trouve l’espace de liberté qui permet de créer quelque chose de nouveau et de peut être original.

On était très dans le côté “punk” et DIY (do it yourself) finalement, même si musicalement, ça restait très… mmmmh “joliment contemplatif et poétique avec des fleurs et de rouages qui grincent”.

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Alkayl : C’est effectivement la dimension steampunk que tu évoquais plus tôt qui ressort de cet album. En revanche, l’aspect “rouages” est plutôt absent d’Ushant.

Fanny : Oui

Ushant, c’est le nom anglais pour Ouessant

Là aussi, cet album est né de la possibilité de jouer dans des festivals en Bretagne. Donc, il fallait faire quelque chose de “celtisant” à défaut de purement celtique (d’ailleurs purement celtique, je doute que ça veuille dire quoi que ce soit).

Donc hop hop hop, rassemblement des troupes, on potasse dans les airs connus ce qu’on pourrait rapidement mettre au point et nous voilà partis. On était dans une phase charnière, où il devenait nécessaire de commencer à assurer la transition vers autre chose, d’évoluer et faire évoluer notre répertoire et lui apporter plus d’unité ; travailler à des arrangements ou compositions en commun, par exemple. Bref, des choses que font beaucoup de groupes, en fait.

Là nous n’en étions plus à la mise en valeur ou l’habillage, d’une set-list d’un de nos membres, mais à la réinterprétation de traditionnels, donc un pas de plus vers la composition en commun, qui aurait dû être la phase trois d’un plan idéal.

Toujours est-il que dans ce mini album, on voit émerger de nouvelles sonorités, de nouveaux instruments : l’harmonium, la cornemuse, des grosses percus. la guitare aussi.

Le travail, sur cet album s’est recentré sur Paris et les musiciens franciliens. Du coup nous avons pu plus aisément, malgré le manque de temps et les plannings très serrés, entre les disponibilités des uns et des autres, expérimenter de nouvelles sonorités. J’ai lâché le violoncelle pour le mélodica, Lionel a pris sa guitare en plus des tablas, Emmanuel, a chaussé sa cornemuse (j’adore la cornemuse ça me fait trucs de malade tout partout, Manu si tu me lis… mais tu le sais déjà), et autres binious bizarres.

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A ce sujet, en réécoutant “Indian Scottisch” j’ai retrouvé des sonorités limite klezmer, avec le cromorne. C’est assez amusant, de voir comment nous avons détourné un air très répétitif, comme une ritournelle, pour en faire quelque chose qu’on va reconnaître, mais qui n’aura plus grand chose à voir avec le contexte culturel.

Ce genre d’humour musical me met en général de très bonne humeur, comme si j’avais fait une bonne blague.

(partie 3)



  1. Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?