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Eole - Femelles“Ce qui ne tue pas nous rend plus fort” : une maxime que tout le monde connaît, et que bien des artistes doivent avoir tatouée sur l’avant-bras. L’artiste travaille pour le public, s’expose à tous, et l’appréciation de l’art est pour une grand part subjective : il est donc attendu d’essuyer des critiques négatives. C’est le jeu. Certains refusent les règles de ce dernier, d’autres, comme Eole, apprennent par lui. En 2009, leur premier album autoproduit était passé sur nos bureaux, et la copie n’avait pas récolté une très bonne note. Du potentiel, on en voyait ; des défauts, il en pleuvait. Les coups le groupe a essuyé, et tel le jonc sous le vent, il n’a fait que plier. Sans se rompre. Deux ans plus tard, il s’est relevé, et la frêle tige se rapproche doucement d’un arbre solide.

Oui, Eole a progressé. Après avoir plié sous la tempête d’une chronique sévère, le groupe a étudié les points négatifs, les a synthétisés avec d’autres, a fait de même avec ses qualités, et le résultat s’en ressent grandement. Les racines Rock et Frenchcore résistent, mais c’est plus dans ses branches que l’arbre se renforce : la personnalité d’Aurélia trouve sa place juste et s’exprime avec éclat, taillée de ses inutilités vocales qui l’essoufflaient, de ses entremêlats vocaux qui faisaient auparavant passer son chant pour une jungle. Elle a débroussaillé ses textes et elle n’envahit plus l’album comme les ronces envahissent la forêt. L’album gagne en clarté, en luminosité, et surtout, en air. Le texte du premier titre, “L’Absence”, est en cela partiellement prophétique. Un grand ménage a été opéré. Plus libre, la musique se développe. Les guitares se gonflent de sève, la basse s’épaissit, l’écorce sonore devient plus puissante. Les mélodies s’envolent parfois carrément dans des délires progressifs, de nouveaux sons germent : élagué, l’album laisse des nouveaux bourgeons s’ouvrir. Femelles est à la fois plus essentiel et plus divers : plus Rock, plus direct, plus efficace ; les compositions sont plus travaillées, tout est plus subtil et à la fois plus puissant. Mieux distribuée, l’énergie est plus concentrée. La ronce Aurélia devient un mûrier sauvage encore et piquant toujours, mais dont on cueille plus volontiers les fruits noirs et parfumés.

Mais la promenade dans les bois d’Eole manque quand même d’un soupçon de charme. Les sentiers sont un poil faciles et l’on voit l’orée d’où l’on regarde. Les arbres sont bien plantés, les sous-bois aérés, on y trouve même des choses surprenantes, des clairières bienvenues, des champignons rigolos, mais peut-être qu’il manque un peu d’Histoire, un peu de ce supplément d’âme qui touche le cœur plus que les oreilles. Il manque une vraie profondeur et une ambiance forte et marquée – qu’il s’agisse de chants d’oiseaux bucoliques ou au contraire d’une brume inquiétante. On a du mal à dire de Femelles, bien qu’il soit très bien fait, s’il est reposant, ressourçant, magique, mystérieux ou effrayant. Cette forêt manque d’une fée ou d’une créature du mal, en réalité. Mais il paraît que le groupe, sur scène, a quelque chose d’un monstre, alors, un jour peut-être…



  1. Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?